Quitter son boulot prestigieux dans une maison de luxe française et se lancer dans la restauration, sans aucune formation spécialisée ? C’est le pari d’Alexia, 33 ans, qui décide un beau jour de tout plaquer pour se consacrer à sa passion première : la cuisine végétarienne. Avec son mari Florent, ils sont à la tête depuis novembre 2016 d’Interfabric, charmant café-restaurant au cœur du XVIIe arrondissement.
Ne jamais utiliser une épice sans l’avoir goûtée. Cette leçon de vie, Alexia l’a apprise à ses dépens : voulant twister une recette de dal, traditionnel mijoté de lentilles indien, elle décide d’y ajouter du sambal, épice indonésienne sur laquelle elle tombe lors de ses courses à Strasbourg-Saint-Denis. “Ça ne sentait pas grand chose, et je me suis dit que vu la couleur, c’était comme du paprika. Alors je n’ai pas trop surveillé mes doses.” Résultat : les courgettes qu’elle prévoyait d’ajouter au dal arrachent, ce qui pose problème car c’était le seul plat prévu pour la journée. “Je voyais déjà les clients pleurer ou cracher du feu, se souvient Alexia en riant. Il nous restait encore des courgettes vierges, donc on les a rajoutées au plat avec beaucoup, beaucoup de lait de coco. Je m’en souviendrai toute ma vie. C’est le genre d’erreur que tu ne fais plus jamais.”
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Apprendre sur le terrain n’est pas toujours évident. Quand Alexia, 33 ans, décide de quitter son boulot dans la mode pour ouvrir son propre restaurant, sa vie change du tout au tout : arrivée sur place à 7h30 pour réceptionner les livraisons, enchaîner la préparation de douze cakes pavot-citron en une même journée, servir 120 personnes dans 17m2, avec des siestes obligatoires le week-end pour récupérer du rythme de la semaine… Pour autant, pas de regrets : “Je ne pourrais pas revenir en arrière. Je suis trop heureuse ici. Quand je me lève le matin et que je suis fatiguée, je relativise en me disant que mes tâches de la journée sont d’étaler ma pâte briochée ou faire rôtir mes poires… Le bonheur.”
“Le job de mes rêves ne me faisait plus du tout rêver”
Diplômée du Studio Berçot, après quelques stages dans des maisons de luxe, Alexia occupe le poste de coordinatrice de collections chez Saint Laurent, avant d’être promue responsable de développement tissus. A l’époque, la maison est dirigée par Hedi Slimane, directeur artistique basé à Los Angeles. “Je venais d’avoir ma fille, et je me suis retrouvée à faire des allers retours entre Paris et Los Angeles. Là bas, on faisait des journées de malade, le rythme était non-stop. Je me suis rendue compte que j’étais arrivée au job dont je rêvais depuis mes vingt ans, mais qu’à trente ans il ne me faisait plus du tout rêver.”
Quand elle est à Paris, Alexia et son mari Florent organisent des dîners clandestins dans leur appartement du XIe arrondissement. Végétarienne depuis “quasi toujours”, Alexia puise ses inspirations du côté de Yotam Ottolenghi, chef londonien d’origine israélienne, de Jamie Oliver et de la Japonaise Maori Murota, dont elle adapte les recettes pour coller à ses préférences alimentaires. Le couple, passionné de gastronomie, fréquente les tables en vogue, de Yard à Servan en passant par Le Baratin. “Je trouve qu’on a un patrimoine gastronomique incroyable en France, explique Alexia. Pour moi, la cuisine, c’est avant tout de l’humain : discuter, échanger, partager des moments.” En janvier 2016, le contrat de Florent, qui travaille dans la vente, n’est pas renouvelé, et le couple commence à réfléchir à une possible reconversion dans la restauration. Alexia quitte Saint Laurent en juin, puis, après un été de réflexion, le duo ouvre Interfabric en novembre 2016.
Menu 100% végétarien
Le jour de notre rencontre, le restaurant du XVIIe arrondissement approche son premier anniversaire. C’est aussi le deuxième mois où Alexia et Florent ont pu se verser chacun un salaire, ainsi qu’embaucher leur premier employé, Taher, pour leur filer un coup de main en cuisine. Le service est terminé, les restaurateurs font une pause avant de se lancer dans la préparation des plats du lendemain. Sur la table de récup’ est posée une part de tarte aux poires, amandes et fruits de la passion sur une pâte briochée, sublime. Avant de lancer Interfabric, Alexia a suivi un cours de pâtisserie. “En salé, tu peux bidouiller un peu. En sucré, si tu ne maîtrises pas tes bases, t’es mort. Comme j’avais moins de connaissances, je me sentais limitée.”
Ouvert seulement le midi, sis à deux pas de la coquette rue des Dames, Interfabric nourrit la clientèle locale de tartes salées, currys, mafés sénégalais, salades composées, le tout 100% végétarien, parfois vegan. Comptez 10,50 € pour un menu entrée-plat ou plat-dessert, et 13,50 € pour la totale. Les produits sont majoritairement issus de France (à part les épices et les quelques petits craquages exotiques, comme les fruits de la passion), plus important pour le duo qu’une éventuelle appellation bio. Le couple prévoit d’ouvrir une deuxième adresse en 2018, à la localisation encore secrète. “Je suis fière de montrer aux gens qu’on peut bien manger sans forcément consommer de viande, sourit Alexia. Je n’ai absolument aucun problème avec les non-végétariens, mais quand je me dis qu’aujourd’hui à Paris, il y a 80 personnes qui n’ont pas mangé de viande à midi, je vois ça comme une petite victoire personnelle.”
Interfabric, 46 rue Legendre, Paris XVIIe
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