Récit de quelques jours (et nuits) passés à la cinquième édition du MEG (Montréal Electronic Groove), grand-messe nord américaine de l’electro qui se tenait dans la cité canadienne du 21 au 26 octobre.
Arrivés à Montréal en début d’après midi le jeudi, nous avons déjà manqué les deux premières soirées du MEG qui proposaient entre autres Airborne Audio (deux ex-Antipop Consortium), le Montréalais Ghislain Poirier et ses expérimentations hip-hop ou bien encore Joakim et TTC pour les frenchies de l’étape. D’après les échos glanés ça et là, le show de TTC était efficace et incisif, le tout dans une langue française que les québécois réinventent avec une dextérité étonnante. Histoire de rattraper un peu le temps perdu, direction derechef dans quelques magasins de disque de la ville. Passage chez In Beat, la référence en matière de musiques électroniques et Pop shop pour des dégotter quelques merveilles en vinyles d’occasion tous styles confondus. Après les emplettes et un dîner vite expédié, direction la SAT (Société des Arts Technologiques), salle dédiée à la création numérique ou se déroulaient la majeure partie des concerts et activités de cette cinquième édition du Montréal Electronic Groove.
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Le Jeudi soir était plus particulièrement consacré aux sonorités orientales « éléctronisées » à la sauce world musique. Freeworm, tête d’affiche de la soirée puisque c’était en parallèle la soirée de lancement de son deuxième album semblait très attendu par une audience venue en masse. En fait, tous les branchés de la ville sont là ce soir. Les autres artistes programmés ce jeudi en profitent donc. Parmi eux, la superbe Irina Mikhailova dispose d’un organe vocal certain qui donne toute son originalité à sa performance. Toires et Cheb I Sabbah continuerons d’explorer les territoires « ethno/electro » inauguré par la belle. On n’est pas vraiment en Trans, même s’il en est question du côté style musical.
Vu l’accueil qui lui est réservé, on comprend vite que Vincent Letellier alias Freeworm est la vraie sensation de la soirée. Ce soir il faudrait plutôt dire sont. En effet à la grande surprise du public, le jeune mutli-instrumentaliste surdoué de Montréal semble prendre une voie résolument plus organique avec son deuxième opus, Solar Power. On le ressent immédiatement sur scène: MC, percussions, basse guitare, batterie jettent les bases d’une performance très hétéroclite. Du jazz à la world, en passant par l’electronica et les influences hip hop, Freeworm et sa bande bluffent tout le monde. L’audience apprécie la chaleur et la bonne humeur qui se dégage de la prestation. Néanmoins, si les jolies filles présentes sont conquises, quelques professionnels locaux semblent dubitatifs, peut être décontenancés par le grand virage musical amorcé par ce « ver en liberté ». Après quelques shooter (shot de vodka suivi d’un shot de jus de caneberge / Crandberrie), le hot-dog réglementaire de fin de soirée nous pousse dans les bras de morphée. Il est 8h du matin heure française
Après une courte nuit grâce à notre fameux pote « Mr Jetlag », bref retour au SAT, beaucoup plus calme qu’a deux heure du matin la veille au soir, vendredi midi, pour une rencontre sur l’impact de la culture numérique. Un déjeuner avec les responsables du Festival Jazz à Montréal nous permettra de mieux comprendre le fonctionnement et les acteurs de la scène musicale locale, de sa démesure en extérieur en live l’été à l’importance des différentes scènes et courants musicaux à Montréal et au Québec.
Plus tard, lors d’une rencontre avec Alexandre Lemieux, le jeune nouveau programmateur du MEG 2003, on se rend compte de l’importance du lien évident avec les Etats Unis au niveau de la mise en place de tournées transversales sur les deux pays. En effet certaines tournées ne pourraient pas forcément avoir lieu si elles uniquement organisées sur le seul territoire canadien. Si la culture électronique existe bien depuis plusieurs années, elle semble toucher un public encore restreint dès qu’il s’agit d’artistes pointus. En conséquence, la scène locale reste encore très peu exportée. Les portes drapeaux que sont Richie Hawtin ou Daniel Bell n’ont pas emmené toute une génération derrière eux comme cela a pu se produire en France avec les Daft et la french touch.
C’est peut être d’ailleurs beaucoup mieux ainsi, au regard de la déconfiture de cette dernière ! Bref passage à l’hôtel et retour à la SAT dès 21h pour encourager Chloé, présente ici en tant que résidente des soirées parisiennes Panik. Après le show-case musclé du label Saboteur qui nous donnera l’occasion de rencontrer la charmante attachée de presse du label, plus connue sous le nom de DJ Maus la nuit, Frigid, entame le premier les festivités dans la salle du bar par un set d’electro-rock androgyne qui à le mérite d’être sans complexe. Beaucoup de classiques de ces deux dernières années y passent, amusant.
Chloé se prépare à ouvrir le bal dans la grande salle du SAT. Dès les premiers disques et malgré le manque de public au début, ses galettes semblent coller parfaitement à la personnalité de cette nouvelle égérie de la scène électronique française. Touchante et précise, Chloé distille un set classieux et « pumpin », qui ouvre la voie à Darren Spooner alias Jarvis Cocker et son nouveau crew de routiers sympas, un ex-Fat Truckers et Richard Hawley à la guitare. A noter que Chloé et Relaxed Muscle seront au Festival Les Inrocks Levi’s 501 à Paris, respectivement les 7 et 10 novembre.
Concert de la soirée, la performance en costume de Relaxed Muscle fait penser à un groupe de disco tombé dans une moulinette electro punk, le tout mené tambour battant par l’ex-commandant de bord de Pulp. Original, saturé et foutraque, le concert sera suivi d’un set DJ à la Jarvis du même acabit.
Pour finir la soirée, les plus motivés se retrouveront autour du duo DJ Are Not Rock Star aka Princess Superstar en MC de seconde zone et DJ Alexander Technique. le set du duo surfe à 300% sur la vague 2 Many DJ’s. C’est forcément efficace en fin de soirée, après on aime ou non l’exercice… Les shots de vodka tourbillonnent à nouveau. retour au campement et extinction des feux.
Pour la grande soirée du samedi, le MEG a mis les petits plats dans les grands. En plus de l’habituel SAT qui accueillent en ce samedi une soirée aux couleurs hip hop/funk avec deux figures du genre : DJ Spinna et Mr Scruff en ping-pong pendant plus de 4 heures, le MEG propose une affiche plus qu’alléchante au Metropolis, salle de concert/club de 2000 personnes, toute fraîchement refaite. Le plateau Output / Fischerspooner / Tiga est annoncé dans tous les médias locaux et nationaux. Chacun y allant de son analyse du phénomène fashion new-yorkais. La réputation des New-Yorkais a bel et bien fait le tour du monde mais ils ne s’étaient encore jamais produits à Montréal. La hype est donc en marche et toute la salle est là que pour vérifier les rumeurs entourant les prestations de Fischerspooner.
Il faudra cependant attendre un peu pour voir ces derniers puisque Drama Society, nouvelle signature italienne et Colder (soit la jeune garde d’Output Records) jouent honnêtement leur rôles d’ouvreurs. Pour sa seulement dixième prestation scénique, Colder consolide fermement la version live, pourtant dure à reproduire, de son premier album Again. Le résultat prend de plus en plus d’ampleur même si la prestation manque encore parfois de charisme.
Lorsque la troupe de Fischerspooner arrive sur scène avec danseurs et performer en costumes futuristes, la foule s’embrase. Les mauvaises langues diront que ce n’est que de la pose et de l’attitude car tout la partie sonore est en play-back mais on est très rapidement bien obligé de s’incliner devant la précision du spectacle. Le show est lancé. Contrairement à leur prestation froide et sans saveur au Centre Pompidou en mars dernier, la performance prend toute son ampleur dans cette grande salle. Le discours de Casey Spooner est toujours aussi volontairement arrogant et provocateur. Il se plaint par exemple de s’être fait broyer les parties après s’être jeté dans la fosse. L’entertainment à l’américaine est en marche, la musique est diffusée sur bande, mais les lumières et danseurs sont irréprochables de beauté. Le show dégouline d’attitude arty mais l’ensemble est visuellement proche de la perfection.
Quand le hit Emerge n’est pas tout bonnement arrêté après 30 secondes, c’est le bouffon de la troupe qui simule un égorgement ensanglanté. On se demande ou est la frontière entre ridicule et second degré, mais il faut se rendre à l’évidence : Fischerspooner est bigrement efficace et culotté.
Au passage, on en profitera pour écouter deux nouveaux morceaux dans la veine des compositions du premier album avec une nouvelle touche psychédélique. Le final engloutira la salle sous une nuée de ballon blancs tel un feu d’artifice en latex.
La suite de la soirée sera placée sous le signe d’un ping-pong electroclash entre Tiga, Trevor Jackson et les deux membres de Black Strobe, Ivan Smagghe et Arnaud Rebotini. Ces derniers étant arrivés à la bourre à deux heures du matin pour cause d’avion loupé dans l’après midi à New York. Pour faire danser un samedi soir, la brochette de DJs est imparable, malgré les gros problèmes de son rencontrés par Tiga au début de son set. Niveau originalité et inventivité, c’est beaucoup plus dur d’être impressionné tellement ce son electroclash nous semble déjà trop entendu chez nous mais nous sommes samedi soir à Montréal, mission accomplie donc ! A 3h les lumières se rallument et sonne pour notre équipe la fin de ce MEG 2003.
Après une dernière nuit canadienne, nous repartons fatigués mais heureux. En plus des découvertes, on retiendra tout particulièrement la bonne humeur et l’hospitalité des Montréalais qui font pour beaucoup pour la convivialité du MEG. Il en garde du coup un côté humain fort appréciable par rapport à ses cousins européens de plus en plus atteints d’obésité… Rendez-vous en 2004 !
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Merci à Mustapha Terki @ MEG, Nathalie Tétrault @ MEG / SPECTRA, Nathalie Heneman @ Délégation générale du Québec à Paris
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