Enfermé dans sa chambre, l’Allemand Konstantin Gropper, alias Get Well Soon, imagine de grands espaces en panoramique, d’une beauté crépusculaire. Rencontre, critique et écoute intégrale.
Il y a deux ans, on faisait la connaissance de Konstantin Gropper sur un disque tarabiscoté dans son titre (Rest Now, Weary Head! You Will Get Well Soon) et dans ses orchestrations, de véritables tourbillons soufflés par un vent épique. Pour être plus précis, on découvrait alors Get Well Soon, un groupe qui cachait bien son jeu.
Car comme Owen Pallett se planquait jusqu’à peu derrière le pseudo de Final Fantasy, Zach Condon derrière Beirut ou Neil Hannon derrière The Divine Comedy, Get Well Soon est la création d’un seul illuminé, qui joue d’à peu près tous les instruments, perfectionnisme oblige. A l’instar de ces cousins éloignés, Konstantin Gropper a le chic pour cristalliser en pop-songs alambiquées des structures a priori incompatibles. Chantés uniquement en anglais, ses deux disques entremêlent des élans baroques, des ritournelles importées des Balkans ou du rock orageux, parfois sur un seul morceau (de bravoure).
Tout s’éclaire quand on apprend que ce jeune homme sensible aime composer en ermite, barricadé dans sa chambre pour mieux fantasmer en musique le monde extérieur, l’immensité majestueuse d’un paysage ou la houle d’un océan en pleine tempête. Une métamorphose semblait se profiler quand Konstantin Gropper a commencé à dévoiler son deuxième album, Vexations, avec un making-of vidéo. Une scène se déroule derrière chez ses parents, dans un petit village près du lac de Constance.
Droit comme un i, micro en main, il est planté en plein coeur de la forêt et enregistre les sons qui l’entourent. C’est dans cette atmosphère idyllique que s’ouvre Vexations, avec une chanson pourtant nommée Nausea (“la nausée”). Les oiseaux gazouillent, une brise caresse les branches. On s’attend à tout moment à voir débarquer le petit chaperon rouge. “J’ai eu besoin de sortir pour capturer la nature mais le processus d’écriture reste le même, explique-t-il. Cloîtré dans ma chambre, je continue à composer en jouant de tous les instruments.”
Surprise : cette fois, il a demandé à d’autres musiciens de jouer ses partitions, bourrées de consignes draconiennes. “Ça ne m’a pas dérangé de confier ma musique à d’autres. Sur le premier album, je n’avais pas pu franchir cette dernière étape et maintenant il me paraît inachevé. Ce lâcher- prise m’a ouvert à l’imprévu.” Depuis son premier album, Konstantin Gropper a signé la bande originale de deux films, déménagé à Berlin et arrêté ses études de philosophie et de littérature pour se consacrer entièrement à Get Well Soon – avec un papa professeur de musique, il a été élevé à dure école.
“Je me sens parfois incompris, avoue-t- il. Les gens trouvent ma musique bien plus sombre qu’elle ne l’est à mes yeux.” Car en choisissant un nom comme Get Well Soon, soit en VF “Prompt Rétablissement”, Konstantin Gropper gorge ses délicates compositions d’un message d’espoir – celui que la musique puisse soigner toutes les plaies.
Album : Vexations (City Slang/Cooperative/PIAS)
Concerts : le 13 mars à Lille, le 16 à Paris (Cigale), le 17 à Bordeaux, le 18 à Nantes et le 19 à Nancy