Montagnes de charcuterie basque et caisses de vins de Bordeaux, le terroir aquitain est venu festoyer mardi soir dans une réception, pardon, un open bar, à l’Assemblée nationale. Sinon, l’eau, c’est où?
« Ce soir à partir de 19h, dix vigneronnes de Castillon Côtes de Bordeaux débarquent à Paris à l’Assemblée nationale pour faire déguster leurs vins aux députés », précise l’invitation. Traduction : ce soir, c’est lobbying et open bar.
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Arrivée dans les hôtels de l’Assemblée, pénible montée de quatre étages, avant d’accéder au Graal. « C’est ça leur vestiaire ? » lance avec dédain une dame bien comme il faut. « Mais enfin, qu’est-ce qui ne va pas ? » réplique son homme. Elle soupire. « Les cintres sont trop petits ».
Passons les double portes en bois de l’appartement du député Richard Mallié (UMP). Moquette beige, tapis moelleux, murs abricot, chandeliers et miroirs à dorures, on s’y sentirait presque bien chez Riri … si on n’y étouffait pas. Une centaine de personnes dans 50 m². On sue. Beaucoup.
Comme un Soisson dans l’eau
A l’intérieur, la bataille est rude pour accéder au buffet. Attends je passe. Oh mais, il va bouger oui ? Pique assiette ! Ah bah quand même, merci. Alors que les étals de charcuterie basque me tendent les bras, je suis renvoyée dans mes cordes. Un député arrive, poussant sans vergogne les invités, pour saluer le charcutier.
Du député, il y en avait ce soir. Des petits messieurs un peu rougeauds aussi. Les bouteilles se vident à une vitesse affolante. « Il paraît que des journalistes de Canal Plus vont venir … » murmure, panique dans le regard, un des convives. Peu après, la caméra du Petit Journal fait son entrée dans le salon surpeuplé, à la recherche de ses victimes du jour.
Mouvement de foule. Xavier Darcos est dans la place. Vite, il faut être à côté du ministre du Travail. Une députée girondine pousse tout le monde pour être dans le champ de la caméra. Dans le public aussi on s’agite. « Jean-Marie ! Mais viens !» « Attends, y’a un ministre !» « Ouais, enfin, c’est Darcos hein …».
Jean-Paul Garraud, le député à l’origine de l’opération, se lance dans un discours convenu pour accueillir le ministre, qui enchaîne sur « la nécessité de différencier le vin de l’alcool ». Applaudissements nourris de la foule. « Je salue les vins de Bordeaux … » « Tu pourrais salueeer la Bourgoooooooooooogne ! »
La salle se retourne. Dans le rôle du cousin bourré dont on a un peu honte, Jean-Pierre Soisson, député de l’Yonne. Darcos poursuit. « Comme tout le monde sait, je m’intéresse au vin, surtout au Bordeaux … » « C’est une erreeeeeeeeeeeur ! » le coupe Soisson. Soupirs exaspérés du public.
Darcos finit tant bien que mal. Et là, le drame. Soisson s’empare du micro, et se lance dans un discours. Enfin, essaye. « Le vin de Bordeaux, il est … correct ! C’est unifooorme ! Vous devriez … vous devriez … vous di-ver-si-fiiiiiiier, et …. Et ne pas soutenir …. Que les grands crus ! » La salle, visiblement agacée, fait mine d’applaudir largement le député. «Ah bah faudrait pas qu’il souffle dans un ballon celui-là», rigole une dame.
N’énervez pas le charcutier
20h, on respire un peu plus. Seuls les irréductibles (ou les plus entamés) sont encore là. Au stand charcuterie, on frôle l’incident diplomatique. « C’est très bon votre jambon, c’est du Bayonne ? » demande poliment une dame blonde. « Non. Désolé, c’est pas du Bayonne. C’est du KIN-TO-A », réplique froidement le charcutier basque… couteau menaçant à la main. Gloups.
A peine le temps de fuir, un député éméché m’aborde. «Dis donc mademoiselle, vous travaillez pour quel journal ? Ca sent le journal de gauche. Libération ? Non ? Tant mieux, on aurait été obligé de vous déshabiller et vous suspendre à la fenêtre, haha». Ha ha.
«Vous pensez que Chirac va venir ?», demande une dame d’un certain âge en pull mohair bleu, avachie dans un fauteuil moelleux. La rumeur, relayée par les attachées de presse, veut que l’ancien président viendrait faire un tour. Il est invité dans une autre réception, un étage plus bas.
Tuons le suspense : Chichi n’est jamais venu. «Bon ben on va partir alors», lance la dame en mohair en se levant péniblement. Sur le chemin, un convive résume la soirée : «C’était un peu le festival des p’tits vieux bourrés.»
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