Les derniers mois ont été ceux du Roi Biolay : nous étions à la première de ses trois dates au Casino de Paris, c’était Superbe et passionnant, et on vous raconte tout.
Parce qu’on le sait fan de football, on serait presque tentés de dire de l’année 2009 qu’elle fut pour Benjamin Biolay celle de la victoire de la Coupe de France après des années sur le banc des losers. Bouc émissaire, depuis le début des années 2000, d’une génération ravie de le détester pour de mauvaises raisons (et en faisant ainsi l’acolyte parfait de Vincent Delerm), Benjamin Biolay aura finalement réussi un spectaculaire retournement de situation, passant du statut d’ennemi public numéro un à celui d’idole des plus trop jeunes, mais un peu quand même.
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La Superbe, paru au beau milieu de l’automne, n’a ainsi pas souffert de la crise du disque, offrant au songwriter et à son nouveau label Naïve un disque d’or quelques jours avant noël. Suite logique de ce succès, les concerts programmés début février au Casino de Paris, décidément en passe de devenir la nouvelle salle indé de la capitale (Air ou Emilie Simon s’y sont produits en janvier), affichaient complet, l’espoir était gros, Aznavour, Zazie, Nagui et même Judith Godrèche (dont l’imminent premier album a été réalisé par Biolay) dans le public. Après une première partie globalement pénible signée Alka, l’homme arrive, dans la pénombre, au milieu d’une équipe de musiciens fidèles- tous l’accompagnent depuis belle lurette, la plupart venant également de Lyon. On pourrait bien sûr détailler ici la setlist (copieuse), évoquer les lumières (somptueuses), les rappels (nombreux), l’ovation (méritée), la harpe, les samples, les chœurs.
Mais ce serait trop mal rendre hommage à la grâce de Biolay, dont la première prestation parisienne de 2010 fut simplement une formidable leçon d’élégance et de génie- ou un appel aux superlatifs. Car il faut avoir sacrément la classe pour réussir à faire se côtoyer, dans les mêmes deux heures de concert, les fantômes de Joey Starr et de Julien Clerc (on notera une reprise bouleversante, seul au piano, de Les Séparés), réconcilier la chanson française et le hip-hop, offrir sans le savoir l’hymne rêvé de l’Olympique Lyonnais (Lyon Presqu’île), parler, avec la même éloquence sexy, aux jambes, au cœur et au cerveau.
Obsédé par les relations amoureuses, la perte et le sexe, Biolay puise ainsi dans son déjà conséquent répertoire et oscille magistralement entre chansons dépouillées (la bouleversante Ton Héritage, ou comment résumer un siècle de psychanalyse freudienne en quatre minutes) et hymnes pop sous haute influence eighties (Si tu suis mon regard, Prenons le Large), espérances (L’espoir Fait vivre) et désillusions (Qu’est-ce-que ça peut faire ?). On pense à Gainsbourg et Bashung bien sûr (« la nuit je mange » sur le majestueux Night Shop), mais en les imaginant voguer vers des territoires plus pop, et tendre la main à Damon Albarn (on saluera d’ailleurs un clin d’œil plutôt chouette à Gorillaz au moment des rappels).
Etonnamment à l’aise, bavard et sacrément rigolo (avec une référence épatante aux Black Eyed Peas), Biolay aura ainsi signé une performance à la fois physique et diaboliquement cérébrale, conclue sur une version de Brandt Raphsody à tirer des larmes à un embaumeur.
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