Pour mener à bien un projet de rénovation urbaine, la mairie de Paris veut déloger la coordination des intermittents. Cette dernière a refusé deux propositions de relogement qu’elle juge non-conformes à la poursuite de sa mission. L’affaire sera jugée au tribunal le 9 mars.
« Nous sommes dans une situation un peu délicate ». Doux euphémisme d’Antoine, membre de la Coordination des intermittents et précaires d’Ile de France (CIP-IDF). L’association est assignée en justice en mars. En jeu, son expulsion des locaux qu’elle occupe depuis fin 2003 dans le XIXe arrondissement de Paris, cible d’une opération de rénovation urbaine. Depuis, coordination et municipalité se renvoient la balle.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Depuis sept ans, la CIP loge à titre gratuit au 14 quai de Charente, dans un bâtiment mis à disposition par la mairie de Paris. Née du mouvement des intermittents contre la réforme de leur assurance-chômage, la CIP a d’abord mis en place des permanences d’information et de défense des droits des précaires : selon l’association, plus de 3000 personnes s’y seraient déjà rendues. Les locaux de l’association ont par la suite accueilli une « université ouverte », une cantine, une bibliothèque, des concerts, des projections … le tout gratuitement.
Mais la mairie de Paris a lancé un grand plan de réhabilitation de la ZAC Claude Bernard, où se situent les locaux de la CIP. Quatre-vingt onze logements sociaux et une crèche de 60 places doivent être construits. Pour permettre le début des travaux, la CIP doit partir.
« On savait qu’on devait quitter les locaux un jour. La mairie nous y a installés, on ne les a pas occupés. Nous, on est prêt à partir. », explique Antoine de la CIP. L’association a en effet signé une convention d’occupation précaire avec la Semavip, société d’économie mixte propriétaire des lieux. Le bail peut donc arriver à terme à n’importe quel moment.
La CIP accepte de quitter le quai de Charente, mais pas à n’importe quelle condition. Deux propositions de relogement de la mairie sont refusées. Motif : « Les locaux qu’on nous proposait ne nous permettaient pas de poursuivre l’ensemble de nos prestations », affirme Michel, également membre de la CIP.
« Faux » réplique-t-on à l’Hôtel de Ville. Selon les services de la mairie, les locaux du 106 rue Curial (XIXe), dernière proposition en date, sont plus grands que ceux occupés actuellement par l’association, et permettent de recevoir du public en toute sécurité, ce qui ne serait pas le cas actuellement. La vraie raison du refus de la CIP serait ailleurs. « Ils refusent d’aller dans des quartiers populaires difficiles. Ils nous ont dit n’être ni des assistantes sociales, ni des animateurs de quartier« , explique-t-on à la mairie.
Interrogé à ce sujet, Antoine ne dément pas: « Il y a énormément de problèmes dans la cité Curial. On ne se voit pas dans ce quartier sans faire du travail social. Et ce n’est pas notre boulot. Le notre, c’est la population intermittente de Paris. »
« Des projets coûteux et élitistes »
Entre la Coordination et la Mairie, la situation semble bloquée. Chaque camp affute ses arguments, accusant l’autre de mauvaise foi, et campe sur ses positions. « La CIP clame que Paris est une ville de riches qui ne laisse pas place aux pauvres, mais ils bloquent la construction de logements sociaux. Allez comprendre !« , ironise-t-on à la mairie. » La Ville finance des projets coûteux et élitistes tels le 104 rue d’Aubervilliers ou la future Halle Pajol. Paris a les moyens de concéder aux précaires des lieux d’organisation et d’activités « , réplique la CIP sur son site internet.
Pendant ce temps, les travaux attendent. Intenable pour la Semavip, propriétaire des lieux, qui, fin 2009, assigne la Coordination en justice afin d’obtenir un jugement d’expulsion, assorti à une astreinte de 9000 euros mensuels. Le procès est prévu le 9 mars.
« Cela nous étrangle financièrement. C’est insupportable de négocier avec ce pistolet sur la tempe », tempête Michel. Invitée à réagir, la Semavip n’a pas répondu à nos appels.
En réaction, la Coordination a lancé une pétition pour empêcher son expulsion, qui a recueilli une centaine de signatures du monde des arts et du spectacle. Antoine soupire: « On aurait vraiment aimé régler ce problème à l’amiable et ne pas finir au tribunal.»
{"type":"Banniere-Basse"}