Sortez vos aiguilles : la broderie retrouve ses lettres de noblesse, portée par une génération de jeunes artistes qui transforment ce savoir-faire traditionnel en support d’expression. Rencontre avec Hannah Hill, artiste brodeuse qui utilise ses créations pour diffuser des messages d’empowerment.
Qui es-tu, Hannah Hill ?
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Je suis une brodeuse illustrative de vingt-trois ans, basée à Londres. Je viens d’être diplômée cette année de l’école d’art City and Guilds où j’ai étudié les beaux-arts.
Comment t’es-tu intéressée à la broderie ?
Quand j’avais dix-sept ans, j’ai suivi un cours d’Art et Design où on a eu la possibilité d’explorer différents supports et façons de travailler, et l’un d’entre eux était la broderie. En grandissant, ma mère était toujours en train de tricoter et était aussi une brodeuse hors-pair. Je suis tombée amoureuse de la broderie à un moment de ma vie où j’étais très créative mais avais confiance ni en moi-même ni dans mon travail. Au début, il y avait la sécurité de pouvoir défaire un point si j’avais fait une erreur. Ce qui peut encore être utile aujourd’hui, parce que la dépression (dont Hannah souffre depuis son adolescence, ndlr) et le processus artistique sont comme des montagnes russes !
Trouves-tu que la broderie vit un come-back ? Tes collaborations sont très variées (des illustrations pour un article de M Le Monde, une oeuvre brodée réalisée pour le musée Tate Modern). On dirait que la broderie sort du loisir créatif pur pour s’étendre à d’autre supports ?
La création textile et la broderie sont trouvées aux quatre coins du monde, quelle que soit la culture, passées au fil des générations et des communautés. J’adore la chaleur et la douceur qui émane de la texture des fils, et comment ils deviennent brillants et lisses une fois que ma mère les a repassés. Bien que je trouve la broderie difficile, le rythme est très relaxant et méditatif.
Je pense que mes collaborations sont variées car elles s’accordent à mes intérêts et mes passions : la musique et la création artistique sont chacune porteuses de messages. J’aime quand les créations textiles sont utilisées de façon inattendue et incroyable, j’aime changer comment les gens perçoivent la broderie et toucher un nouveau public avec cette technique que j’apprécie tellement. Je suis contente que de plus en plus de gens s’intéressent et s’essayent à la broderie.
Qu’est ce qui t’inspire ?
La musique grime, mes émotions, la nature, les jolies filles, les expériences, les peintures classiques, les textiles historiques, l’imagerie indienne et hindoue ainsi que les objets du quotidien.
Beaucoup de motifs brodés qu’on peut trouver sur les réseaux sociaux représentent des sujets « féminins » : l’empowerment des femmes, des représentations de vagins… Pourquoi à ton avis ?
La broderie est vraiment un puissant vecteur de messages socio-politiques, car dans l’histoire de l’art c’est une pratique qui était exclue à cause du mépris de classe et du sexisme. Je comprends que les gens veulent créer sur le thème de l’empowerment, et même si beaucoup de mes œuvres représentent le corps féminin, il y a plein d’autres sujets intéressants que les gens pourraient broder et ainsi vraiment repousser les limites de ce savoir-faire. Je suis fière de marier des thèmes et des images variées avec une technique qui est souvent perçue comme délicate, inutile, féminine ou sans aptitude particulière, représentation stéréotypée de la broderie dans l’histoire de l’art.
Quels sont tes projets pour 2018 ?
J’espère organiser ma première exposition solo à Londres, des broderies inspirées par la scène grime alliant mes deux passions dans la vie, sensibilisant un public plus large à ma forme d’art préférée. J’ai une boutique en ligne où je vends mes créations, et je veux faire des œuvres encore plus grandes l’année prochaine. J’ai l’impression d’avoir vraiment grandi en tant qu’artiste cette année et j’ai vraiment hâte de voir quel genre de travail je vais réaliser.
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