Tex, Johnny, Squeezie, Ardisson, Trump : Freezze, le plus caustique utilisateur de Twitter France, nous dit tout sur « son » 2017 à lui.
Baptiste, alias Freezze, est de ceux qui font de Twitter un monde meilleur. Cela fait déjà trois ans que l’internaute agrémente chaque phénomène social, foirade cathodique ou casserole politique de ses saillies. Jadis « compte officiel de Thierry Beccaro » (photo du présentateur de Motus en exergue) puis « compte officiel de Laurent Romejko », le Parisien est devenu suite à une sévère réprimande le « compte officiel de Bill du Bigdil » – pour l’instant. Mais qu’il se revendique des Chiffres ou des Lettres ou de Vincent Lagaf’, Freezze reste ce twitto caustique à la pointe du LOL. Cette année, élections, bad buzzs à foison et flops du PAF lui ont donné du grain à moudre. Bilan.
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Cette année as-tu l’impression qu’on a surtout été submergé, sur la twittosphère française, par tous les mèmes qui ont découlé des élections ?
Je crois. C’était la première fois qu’une élection se retrouvait à ce point commentée sur les réseaux sociaux. Je pense que cette masse de mèmes – sur Fillon, Mélenchon, Le Pen – a fait du bien a tout le monde, car on a vraiment vécu une campagne pourrie. Dans chaque camp il y a eu des couacs, et les mèmes ou gifs permettaient de relativiser l’enjeu, de se marrer un peu et de relâcher la pression – d’avoir un point de vue différent sur le cassage de gueule en continu de Fillon par exemple, sur tous ces événements qui ont buzzé – jusqu’à la disproportion.
L’apogée ce fut les deux débats. On a compté plus de quinze mille mèmes ou citations de l’ensemble des candidats. Tous ces détournements ont largement dépassé en terme de durée de vie le cadre du délire en soirée et ont fini par investir le débat public. Je ne pense pas que tout cela a eu un impact sur le vote, mais ça a été extrêmement commenté, et souvent de façon intelligente. Je n’ai jamais vu une période électorale comme celle que l’on a vécue. J’ignore si c’est négatif ou positif, mais autant du côté des internautes que des politiques, c’est un vrai changement.
Ces mèmes ont traversé 2017. Nous sommes en décembre et les comptes postbadhamon et postbadmélenchon déclinent une imagerie identique…
C’est vrai. Il y a un candidat qui avait une vraie côte de sympathie, c’est Philippe Poutou. Il était suffisamment décalé pour devenir un mème. Le web lui a offert un traitement totalement alternatif et parallèle aux médias traditionnels. Cela prouve que se l’on ne cherche pas la même chose en lisant Le Monde et en parcourant un fil Twitter, mais qu’on a besoin des deux pour comprendre notre société.
N’as-tu pas l’impression que le Twitter de 2017 était un constant mouvement de balancier entre le LOL et le militantisme ?
Il y a une fracture entre le Twitter d’avant, qui était plus près de l’Almanach Vermot (rires). Aujourd’hui on observe deux facettes : ceux qui utilisent Twitter pour rire et ceux qui l’utilisent pour dénoncer. Les deux ne sont pas incompatibles. Le changement cette année, c’est l’intensification de l’impact de Twitter en dehors de Twitter. Cela sert de veille quotidienne aux gens, c’est passé de réseau social marrant à loupe dirigée sur l’information, permettant de parler des choses avant tout le monde et d’en parler plus librement. Le passage de 140 à 280 caractères a contribué à cela. Au gré des threads, la pensée a pu plus facilement se développer et s’étendre, par delà les non-dits et les raccourcis – ils sont encore là, mais moins.
Le Twitter que tu évoques est également celui des social justice warriors. Cette année fut celle de l’indignation. Comment perçois-tu tout cela avec le recul ?
Je n’en peux plus de ceux qui s’indignent des gens indignés. C’est tellement crevant de forcer les gens à justifier leur indignation. Ressortir Desproges et Coluche pour défendre Michel Leeb c’est totalement daté et ridicule par exemple. Il faut toujours faire la part des choses, prendre du recul, ne pas sombrer dans le buzz facile.
Début décembre, tu partages de façon sarcastique un extrait de C’est que de la télé. Tex y déclame sa fameuse « blague » sur les femmes battues. Le bad buzz qui s’ensuit conduira à son éviction des Z’Amours.T’y attendais-tu ?
Cela te prouve qu’un même tweet va avoir quarante mille interprétations différentes. Lorsque je tweete sur Tex, je ne dis pas ouvertement : « Regardez ce que fait Tex, c’est scandaleux » – même si je ne comprends pas qu’une « blague » aussi limite indiffère. Les réactions engendrées par ce tweet sont diverses, parfois extrêmes, et c’est cela qui est fascinant sur Twitter : ce flux constant d’émotions contradictoires.
Je ne m’attendais pas à ce que mon retweet aient des conséquences aussi dingues. Je ne demandais pas son licenciement ou son lynchage, sa pendaison en place publique. Surtout que Jean-Marie Bigard fait dix fois pire depuis trente ans ! (rires) L’idée de lynchage en général est très dommageable – on l’a constaté cette année avec le suicide d’August Ames. Il faut trouver un juste milieu. A partir de là, il y a toute une analyse à élaborer sur l’influence des images et des médias. Ce que je propose sur mon compte depuis des années, c’est un zapping, tout simplement. Les conséquences de ce bad buzz te démontrent le pouvoir considérable qu’a pris Twitter en 2017.
Crois-tu qu’une confusion entre privé et public, instances et individus, s’est exacerbée en 2017?
Ce qui s’est intensifié est la proximité avec les comptes officiels. Cela provoque une confusion des genres : tu as l’impression que le CM de Libé devient ton pote. Il y a peut être trop de proximité, même si cela permet de s’ouvrir au monde et d’échanger plus directement. Ce qui est intéressant avec Trump par exemple ce n’est pas de constater qu’il se sert de Twitter, mais qu’il privilégie Twitter pour traiter de sujets qu’il n’évoquerait pas dans les médias officiels. L’outil acquiert de l’ampleur avec ce genre de constats.
Un autre exemple, très différent : Hugo Clément. Il a vraiment vécu une apogée grâce ces tweets de « redresseur de torts », de donneur de leçons un peu trop démago pour certains, on en a limite plus parlé que ses reportages. C’est comme si Twitter lui avait apporté plus de notoriété en 2017 que ses passages télé chez Yann Barthès.
Question télé justement, 2016 a été riche en malaises : le Morandini Live, les 35 heures de Baba, les pétages de câble de Julien Lepers…et 2017 alors ?
Touche pas à mon poste reste une nouvelle fois le must. Il y a une sorte de constance dans la connerie qui force l’admiration. Sans aucune remise en question sur des sujets assez graves, malgré les amendes du CSA et les débats publics, l’émission continue d’exister. Niveau malaises je pourrais aussi te parler de Pascal Praud, mais je connaissais déjà ses commentaires sportifs alors ce n’est pas trop une découverte.
Pour rester dans la ringardise, tu as l’interview de Squeezie par Ardisson. Cette séquence est une sorte de lutte malade entre les vieux dinosaures de la télé et les « petits jeunes » du web. Ardisson s’est ridiculisé en assumant un rôle de vieux papy dépassé. Le pire fut sa réponse à tout ce bad buzz : adresser un doigt d’honneur tout nul à Twitter. Au final, on en revient juste aux rapports entre culture web et télévision : tu prends n’importe quel stand upper, aucun d’entre eux ne s’est fait tailler le costard comme Squeezie. en 2017, Internet n’a pas encore « la carte » à la télé.
A l’inverse, quels furent tes instants émotion du PAF ?
Les larmes du taulier Michel Drucker au bout de trois heures de direct consacrées à Johnny c’était touchant. Rien à voir avec l’émission-hommage de Nikos préparée quatre jours à l’avance. Là on parle d’un mec triste parce qu’il a perdu l’un de ses meilleurs potes. C’est ce que la télé ne nous offre plus du tout : du véridique, de l’émotion et du partage. Comme la retranscription de la cérémonie d’enterrement sur France 2, où l’on entendait Quelque chose de Tennessee, voix off éteintes. C’est là que tu comprends que la télévision c’est surtout…du bruit.
Ce bruit constant l’as-tu beaucoup ressenti sur Twitter cette année ?
La course électorale était interminable. Il fallait à chaque fois prendre position et choisir son camp. Tout était dans la surenchère. Twitter s’est révélé moins fun et beaucoup plus pesant qu’à une certaine époque.
Face à cette ampleur justement, ne ressens-tu jamais le besoin de t’autocensurer ?
Je fais un peu plus gaffe aujourd’hui ! (rires) Qui dit abonnés différents dit sensibilités différentes. A partir de là, ce qui me semble anodin peut, sans que je le souhaite, être mal interprété. Forcément, je pèse mes mots avec un peu plus de recul. Ce n’est pas de l’autocensure, c’est de l’autocritique, une façon de prendre en compte, sans me renier; la diversité de mon audience potentielle. Puis aller dans le consensus pour faire rire est intéressant, personne ne m’oblige à me limiter au contrepied.
Ton ancien compte (où tu apparaissais sous les traits de Laurent Romejko) a été supprimé il y a quelques semaines. Mais pour quelles raisons au juste ?
J’étais déjà passé du « compte officiel de Thierry Beccaro » au « compte de Laurent Romejko » car le vrai Beccaro est venu me le demander gentiment en DM sur Twitter. Très calmement. Mais ça s’est moins bien terminé concernant Romejko. Mon compte a été reporté comme « usurpation d’identité », soit par le service de France 2, du fait que j’avais carrément un avatar Romejko, soit du fait des forumeurs du 18-25. Suite à la fameuse blague de Tex dans TPMP, que j’ai critiqué sur mon compte, ils se sont dit que j’étais féministe et ont certainement souhaité la suppression de mon compte. J’ai ces deux pistes à l’esprit mais je me demande laquelle est la bonne.
Salut les Freezzouzes. Twitter vient de m’avertir que le compte @Freezze ne reviendrait pas, suite à une plainte de Laurent Romejko (MDR). Merci à lui pour son humour et merci à vous pour votre soutien. On se sera bien marrés.
— Michael Scott (@Freezze) December 8, 2017
Pour conclure, on a appris sur le plateau de C à Vous que Romejko avait arrêté de fumer. C’est quoi la mauvaise lubie que tu souhaiterais stopper ?
J’essaie, quand je suis en famille et entre amis, de profiter des temps creux et des blancs dans la conversation. De lâcher Twitter. Ne pas penser à tout ça en permanence, respirer un peu, c’est ma première bonne résolution de 2018.
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