Après l’éviction de Delphine Batho, chacun se demandait quand Arnaud Montebourg allait sortir du rang. Ca y est c’est fait. Avec l’impression d’un coucou c’est moi pour tester son poids politique au sein du gouvernement et montrer qu’il peut parler sans être viré. Provocation ? Cohérence dans sa position sur les gaz de schiste ? Ayrault l’a recadré de Roumanie. Montebourg lui s’est défendu d’avoir rompu la « ligne gouvernementale ». C’était le feuilleton de la semaine.
Acte I : Montebourg dégaine à l’Assemblée
Manifestement, l’éviction de Delphine Batho n’a pas complètement eu d’effet. Ou alors pas sur tout le monde. A l’Assemblée nationale, au cours d’une audition mardi 9 juillet, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg propose un « petit approfondissement » aux députés sur le dossier politiquement explosif des gaz de schiste. Et ce quelques jours après le limogeage de Delphine Batho, la ministre de l’Ecologie et la crispation des écologistes, partenaires de la majorité qui font de l’exploitation des gaz de schiste un casus belli. Le ministre, au cours d’un exposé d’une vingtaine de minutes, a expliqué qu’« on arrivera avec la technologie dans très peu de temps au gaz de schiste écologique, où il n’y a pas de pollution ». Glissant au passage « pourquoi on ne pourrait pas convaincre les écologistes raisonnables ? Ils sont majoritairement raisonnables. Ils sont mêmes tous raisonnables ».
Pour le ministre, un tel scénario offrirait « peut-être la possibilité de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui notre équation énergétique ». Dès lors, dans de telles conditions, si une technique non polluante était mise au point, il faudrait, selon le ministre, ne pas fermer la porte à l’exploitation de ces gaz et à la confier à une « compagnie nationale publique » et non pas au privé comme aux Etats-Unis où l’industrie pétrolière en a la charge. Le ministre qui a indiqué qu’il s’exprimait sur ce point à titre strictement personnel et non au nom du gouvernement. Poursuivant sur son idée d’un plus pour la France, il a invité les députés à changer leur braquet sur ce sujet des gaz de schiste : « les parlementaires que vous êtes devraient s’intéresser aux conséquences économiques de l’exploitation des gaz de schistes ». Exemple imparable pour lui : les Etats Unis ont créé « un million d’emplois » grâce aux exploitations.
Acte II : Le ministre de l’Ecologie voit rouge
Philippe Martin a décidé de ne pas se laisser manger son champ d’action. Le gaz de schiste, c’est lui. La transition écologique et l’énergie, c’est toujours lui. « Ma feuille de route, celle que m’a fixée le président de la République est de conduire la transition écologique et énergétique afin, notamment, de réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles », a-t-il écrit dans une déclaration transmise à l’AFP. Une façon de dire en très politiquement correcte à son collègue de Bercy : bas les pattes, c’est mon dossier. Avec quelle légitimité ? Celle du Premier ministre et du Président de la République, insiste-t-il. « Ma position n’est pas personnelle, c’est celle du gouvernement ». En gros, le franc-tireur, ça va. Et de marteler : « La qu’estion d’une exploitation écologique des gaz de schiste ne se pose pas ». « Ce n’est pas une technique propre ». La déclaration elle a le mérite d’être propre et claire.
Acte III : Les écolos s’étouffent
Les écologistes ont eu du mal à digérer l’éloge de l’exploitation des gaz de schistes à laquelle s’est livré le ministre du Redressement productif. Jean-Vincent Placé, le président du groupe écologiste au Sénat, a jugé que Montebourg était « nuisible » pour l’écologie et pour le gouvernement. « Montebourg sait que ce n’est pas la position du gouvernement, sait que c’e n’est pas la position du président de la République (…) et il en rajoute une couche ! », a-t-il commenté une possible « provocation ». Quant au député européen Yannick Jadot, issu d’Europe Ecologie les Verts, il a qualifié Montebourg de « franc-tireur ». On rappelle pour ceux qui l’auraient oublié qu’ils appartiennent tous à la même majorité…
Acte IV : Ayrault tape du poing
De Roumanie donc à l’étranger où généralement les politiques français n’aiment pas commenter les affaires de politique intérieure, Jean-Marc Ayrault, interrogé par la presse, a fermement recadré Montebourg. Car dans quelques jours, François Hollande aura son grand oral du 14 juillet et pas question de polluer les 30 minutes d’intervention par cet épisode. Ayrault est donc monté au front pour déminer l’affaire. Et surtout ne pas accréditer dans l’opinion l’idée qu’il y aurait deux poids, deux mesures entre les traitements des cas Batho et Montebourg. « Il est exclu d’exploiter des gaz de schiste en France » et « cette position sera évidemment maintenue ». Pour le Premier ministre « il n’y a qu’une politique du gouvernement ». Pour Jean-Marc Ayrault « la position du gouvernement français consiste à préparer la transition énergétique et le gaz de schiste n’est pas dans l’équation du gouvernement ». Une façon de recadrer – d’essayer ? – son ministre et de calmer la colère des écologistes alors que depuis quelques jours, le Premier ministre et le Président s’employaient à tout faire pour rassurer leurs partenaires, inquiets par l’éviction de Batho et la tournure des événements, à moins d’un an des municipales.
Acte V : Montebourg ne voit pas le problème
En clair, c’est à qui aura le dernier mot. Et ça, Montebourg compte bien l’avoir. Il avait commencé la semaine par une petit provoc à l’égard du Premier ministre. Devant les députés, en avançant son idées strictement personnelle de la compagnie nationale publique pour gérer la rente des gaz de schiste, le ministre avait lancé : « C’est une idée. Comme les ministres peuvent avoir des idées je ne m’en prive pas ». Un petit mot doux pour son Premier ministre préféré jugé par certains trop autoritaire. Et on n’est pas sans se souvenir qu’Arnaud Montebourg est le seul ministre à avoir pris publiquement la parole pour saluer le travail de Delphine Batho après son limogeage.
Au terme de ce feuilleton, Arnaud Montebourg a donné sa propre lecture. Pas la peine d’être recadré puisqu’il n’est pas sorti de la « ligne » gouvernementale qu’il se défend d’avoir rompu. « Il n’y a qu’une ligne gouvernementale. Ecoutez bien ce que j’ai dit! », a-t-il lancé à la presse ce vendredi en renvoyant à « ses déclarations initiales de mardi », qu’il a jugées « très bien ». Décidément, le recadrage est raté…