Alors que son Benjamin Button est un des favoris des Oscars, retour sur la Fincher’s touch, parfois clinquante, toujours ultracontemporaine, des débuts dans le clip au conte fantastique.
Si « nous sommes sentimentaux lorsque nous accordons à nos personnages
plus de tendresse que Dieu ne leur en accorde”, ainsi que l’écrivit J.D.
Salinger, alors David Fincher est indéniablement un cinéaste sentimental
– du moins l’est-il devenu. L’Etrange Histoire de Benjamin Button, mélo bigger than life, est une oeuvre à part dans la filmographie plutôt homogène de son auteur, prolongeant, tout en lui donnant une nouvelle inclinaison, le virage entamé par Zodiac en 2007.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
A la vue du mastodonte – environ 2 h 40 à filmer principalement des visages et des rides –, une question brûle les lèvres : comment le fils de pub des rugissantes nineties, le clippeur star de Madonna, George Michael ou Michael Jackson, comment lui, le cinéaste manipulateur, spécialiste des récits gigognes et thrillers acérés (Se7en, Fight Club, Panic Room…), a-t-il pu donner naissance à un film aussi lyrique ?
Difficile d’y apporter une réponse simple, et ce n’est pas Fincher, jamais très à l’aise en interview, surjouant son rôle d’auteur hollywoodien mystérieux et inconscient de ses effets, qui nous éclairera : “Ah bon, vous trouvez que mes deux derniers films sont différents des précédents ? Je ne sais pas, je n’en ai pas conscience personnellement. Pour Benjamin Button, Zodiac ou les autres, c’est la même chose : j’entame chaque projet séparément, en me demandant quel style convient le mieux et plaira le plus au public. C’est aussi simple que ça.”
Encore plus surprenante que cette volonté affichée de plaire au public (à l’heure où il est favori des oscars avec treize nominations) est l’apparente déférence
de Fincher vis-à-vis des studios, lui qui en fut toujours un trublion notoire : d’Alien 3, pour lequel il vécut le refus du final cut comme un traumatisme, au point de refuser par la suite toute commande liée à une franchise, aussi prestigieuse fût-elle (Spider-Man, Batman Begins, Mission: Impossible III…), jusqu’à son dernier film où budget (150 millions de dollars avancés, fait rare, par deux majors) et durée conventionnels furent allègrement dépassés. Aujourd’hui pourtant, il
n’hésite pas à affirmer : “Les studios sont constamment tenus de satisfaire les goûts du public, comme une vache qu’on traîne avec un anneau dans le nez. Et moi, on me demande de rendre des comptes : c’est la seule règle qui vaille.
On peut s’en émouvoir, mais c’est comme ça.”
{"type":"Banniere-Basse"}