Livres sur des personnalités politiques, romans et films d’espionnage : les symptômes d’une nouvelle paranoïa ?
En deux semaines sont sortis un livre abject sur Bernard Kouchner (chez qui ? Fayard bien sûr !), un livre de (pseudo-) révélations sur Rachida Dati, un livre d’entretiens vérité de Ségolène Royal. Qu’on écrive des livres sur des politiques ou des gens connus (on se souvient des cinq livres parus en même temps sur le seul BHL !), que des politiques sortent des livres, le phénomène (éditorial) n’est certes pas nouveau, mais en s’accentuant ces dernières semaines, et en étant autant relayé par la presse, il finit par faire symptôme. Il ne s’agit pas ici de discuter du bien-fondé, ou non, de ces enquêtes : c’est leur multiplication qui finit par refléter une forme de paranoïa et de suspicion généralisées auxquelles ces livres sont censés répondre.
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Qu’est-ce qu’on nous cache ? Est-on sûr que telle ou telle personnalité est aussi pure qu’on le dit ? Qu’est-ce qu’on magouille derrière notre dos ? Devançant même la parution d’enquêtes à leur sujet, certains politiques se livrent à l’exercice de transparence absolue, comme s’ils se soumettaient eux-mêmes à une injonction générale de vérité – ainsi, Ségolène Royal a publié pas moins de sept livres en trois ans. Symptômes eux aussi de ces temps paranoïaques, les derniers romans d’Antoine Bello,Les Falsificateurs et Les Eclaireurs, mettent en scène une agence d’espions d’aujourd’hui qui falsifie ce que l’on prend pour la réalité et nous manipule, jusqu’au moment (le 11 Septembre) où lesdits falsificateurs se heurtent aux mensonges et à la manipulation d’Etat (Bush et Powell).
Bienvenue dans l’ère du soupçon… Pas étonnant si l’espionnage refait surface ces jours-ci dans le champ de la fiction : outre un regain d’intérêt pour les romans de John Le Carré, le cinéma s’empare à nouveau d’un genre jusque-là abandonné aux années 60 et 70, c’est-à-dire au temps de la guerre froide, ère florissante pour la suspicion en tout genre. Du chef d’oeuvre télé 24 heures à Espion(s) de Nicolas Saada en passant par la trilogie Jason Bourne, le cinéma réexploite filatures, manipulations, secrets et techniques de surveillance, qui faisaient les enjeux de certains des films du Nouvel Hollywood, très imprégnés, même s’il ne s’agissait pas de purs films d’espionnage, d’un climat de paranoïa – Klute de Pakula, Conversation secrète de Coppola, Duel de Spielberg, Blow out et Pulsions de Brian De Palma… Entre le 11 Septembre, les mensonges de Bush, la crise et les dérapages de Sarkozy, la paranoïa des années 2000 ne fait que commencer.
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