Billy Corgan revêt un élégant costume pour aller défendre devant le congrès les droits des interprètes. Et adresser à l’autorité de la concurrence son avis sur la fusion Ticketmaster-Live Nation. Etonnant, non ?
Billy Corgan, leader des Smashing Pumpkins a été appelé, en tant que porte-parole de musicFIRST, coalition ayant pour objet la défense des “droits d’interprétations”, à s’exprimer devant le congrès américain.
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Il a été entendu au sujet du « Performance Rights Act », un projet de loi initié par la Recording Industry Association of America (RIAA), puissante association de défense des intérêts de l’industrie du disque. Ce projet de loi vise justement à modifier les règles de rétributions des artistes diffusés sur les radios « terrestres ». Jusqu’à présent, une loi de 1916 n’attribuait des royalties qu’aux auteurs, et non aux interprètes. La RIAA souhaite que les interprètes tirent également profit des diffusions radios. Ceci implique des frais plus lourds pour les radios, évidemment, mais aussi de nouvelles formes d’entrées d’argent pour l’industrie du disque en ces temps de vaches maigres.
Billy Corgan, sans surprise, s’est exprimé en faveur du projet de loi : « La modification de la loi que nous sommes en train de débattre n’implique rien de moins que la fin d’un système dépassé et injuste qui privilégie une catégorie d’acteurs (les radios) sur une autre (les interprètes).”
Plus surprenant, Corgan a également adressé un courrier à l’autorité américaine de la concurrence au sujet de la fusion controversée du plus grand organisateur de concert Live Nation et du leader mondial de la vente de tickets Ticketmaster. Etrangement, Billy Corgan considère cette fusion comme “La naissance d’un nouveau système qui place le pouvoir dans les mains des artistes”.
Stupéfaction. Jusqu’à présent, cette fusion avait suscité d’épaisses polémiques, pointant notamment le fait que Live Nation Entertainement (fruit de l’union des deux géants) serait à même de contrôler l’ensemble de la chaîne du music business, de la production de disques (du fait des contrats de cessions de droits signés entre Live Nation et certain de ses artistes) à l’organisation et à la tarification des concerts. De plus la position quasi-monopolistique du groupe sur la vente des places laisse craindre une hausse vertigineuse des tarifs.
Mais pour Billy Corgan, les temps ont changé. “Les décisions désastreuses des maisons de disques de freiner le développement d’internet et des nouvelles technologies, parce qu’elles ne parvenaient pas à les contrôler complètement a, ont conduit à la destruction de la base économique de l’industrie de la musique.”
“Les artistes font face à un changement majeur qui met en évidence la performance live (…) la fusion crée un outil puissant pour que les artistes indépendants puissent atteindre leurs fans d’une façon nouvelle et sans précédent. (…) Dans un présent où tout change très vite, la possibilité pour un artiste de rencontrer son public et de rester en contact avec lui est un point primordial pour la santé de notre secteur. Sans modèle économique solide et stable capable de prendre les décisions majeures, c’est à la fois la musique et les fan qui pâtissent de la situation.”
Soit. Le point de vue de Billy Corgan est défendable. Mais là n’est pas la question. De quoi Corgan est-il le nom ? Qu’est-ce qui lui confère cette autorité ? “Je souhaite que mes 20 ans passés dans dans le business du disque et des concerts m’autorise à avoir quelque naïve légitimité sur ces questions” dixit l’intéressé. Alors en France, on demandera désormais à Didier Wampas de s’exprimer au nom du secteur sur la question du téléchargement ? Le problème n’est pas qu’il s’agisse de Corgan, ou de qui que ce soit d’autre d’ailleurs. Mais cette situation illustre bien la difficulté qu’ont les artistes à défendre des intérêts sectoriels. L’histoire de cette fusion semble n’être qu’économique et juridique -c’est pourtant bien de la musique que va vendre Live Nation Entertainement. Or, non consultés, les milliers d’artistes doivent d’eux-mêmes exprimer leur avis, forcément isolés, et donc fatalement inconsistant, sur la question.
Peut-être la Featured Artists Coalition récemment créée en Grande-Bretagne sera le commencement d’une ère nouvelle où les musiciens sauront défendre leurs intérêts. Mais, bien qu’une réunion soit prévue, le crypto-syndicat n’a pour l’instant émis aucun avis sur la fusion des deux monstres.
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