Les Etats-Unis ont renoncé au principe fondateur de la neutralité du Net, assurant un traitement équitable des données sur la toile, jeudi 14 décembre. Une mutation inévitable selon les géants des télécoms, une atteinte à la liberté d’expression pour ses défenseurs.
Bientôt un internet à la carte? Jeudi 14 décembre, la Commission fédérale des communications (FCC) des Etats-Unis s’est prononcée en faveur de l’abandon de la neutralité du Net. Une décision validée à trois voix contre deux.
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Internet, un « bien public »
La neutralité du Net est un principe dont le but est de garantir l’égalité de traitement de tous les flux de données sur le web. En d’autres termes, elle empêche les fournisseurs d’accès à internet (FAI) de privilégier leurs propres sites ou services en les dotant d’un débit de meilleur qualité, bloquant ou dégradant, a contrario, les sources concurrentes. Des sites d’informations à Netflix en passant par la vidéo de votre chaton, chaque contenu bénéficie d’une accessibilité équivalente.
Aux Etats-Unis, cette règle tacite avait bénéficié, sous le gouvernement Obama, d’un encadrement législatif décidé par la FCC en 2015 et fondé sur l’élection d’internet au rang de « bien commun ». Les FAI devaient se plier à la neutralité du réseau informatique sous peine de sanction.
Une victoire de courte durée pour les partisans de la non-discrimination des contenus web. Dès son accession à la Maison Blanche, Donald Trump avait nommé à la tête de la FCC, un adversaire à la loi de 2015 et ancien conseiller de l’opérateur Verizon, Ajit Pai.
Un débat sensible
Le débat sur la neutralité du Net, oppose les défenseurs des libertés numériques aux fournisseurs d’accès. Les plus fragilisés par cette abrogation seront « les consommateurs et les petites entreprises », déplore Mignon Clyburn, commissaire ayant voté en faveur de son maintient, dans un article du Monde. Une mise en garde contestée par Ajit Pai lors de son playdoyer face à la commission :
« Cela ne va pas mettre fin à l’Internet tel que nous le connaissons. Cela ne va pas tuer la démocratie. Cela ne va pas étouffer la liberté d’expression en ligne. »
Selon les opérateurs télécoms, la neutralité est considérée comme un frein à l’expansion du réseau. Stéphane Richard, PDG d’Orange, prédit sa suppression prochaine en France, bien que le principe soit garanti par la loi pour une République Numérique de 2016. D’après l’homme d’affaires, interviewé par Clubic, nous serons bientôt obligés de proposer aux industriels « des internets particuliers en terme de latence, en terme de vitesse […] avec des fonctionnalités, des puissances, et des qualités différentes. […] c’est en tout cas consubstantiel à la 5G, et la 5G ça va arriver pour nous à partir de 2020-2021. »
Défendre l’innovation
Discrimination des contenus, monopole des fournisseurs d’accès au détriment des petites structures, les partisans de la neutralité ne cachent pas leur inquiétude. « Avec Internet, n’importe qui peut héberger son service, et boum : il est visible de tout le monde », défend Sébastien Soriano, patron de l’autorité de régulation des télécoms en France (l’Arcep), auprès de Usbek & Rica. « Les opérateurs ont toute leur place dans l’innovation, mais ils ne peuvent la revendiquer pour eux seuls. C’est ça la neutralité du Net : ce n’est pas parce que vous donnez accès à Internet que vous devez intervenir sur ce qu’il y a dans Internet. » Il souligne, par ailleurs, les faiblesses des fournisseurs :
« Les opérateurs télécoms n’ont pas toujours été très bons en innovation de service : ils avaient toutes les cartes en mains pour inventer Messenger ou WhatsApp, ils pouvaient le faire. »
Egalement en ligne de mire : un web fragmenté par des offres forfaitaires, à l’instar de l’opérateur Meo, au Portugal, qui propose différents packs d’accès internet : services de messagerie, réseaux sociaux, plateformes vidéo. Ou encore, la prédilection des opérateurs pour leur propre contenu, pénalisant les éditeurs concurrents. D’après Le Monde, « les services de vidéo en streaming, comme YouTube et Netflix, gros consommateurs de bande passante, seraient vraisemblablement les premiers visés. »
Une pétition circule déjà sur les réseaux sociaux afin de contester la décision de la FCC.
https://twitter.com/florentderue/status/941392733603803142
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