Bientôt immense, la Suédoise passera en France en avril, notamment dans le cadre des Femmes s’en Mêlent : l’occasion parfaite pour une rencontre au Danemark avec une forte tête et un génie pop. A (re)découvrir avec trois morceaux en écoute et un longue interview.
C’est à Copenhague, début février, qu’on a rencontré Frida Hyvönen -sacrée rencontre et révélation magique. La songwriter Suédoise, dont le premier Until Death Comes avait déjà hanté quelques esprits par son courage et sa beauté, a confirmé, largement, sur le second Silence is Wild : Hyvönen est une virtuose mélodique autant qu’une fine plume –une plume fine, et acerbe, et drôle, et doucement politique, et méchamment intime, pour des textes absolument grandioses.
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Plus arrangé que son prédécesseur, Silence is Wild est un drôle d’objet pop -un objet pop presque parfait. Un disque incroyablement attachant, rapidement obsédant, situé aux confins parfaits des morceaux tordus de Kate Bush, de la sensibilité mélodramatique et intimiste de Rufus Wainwright et, plus surprenant, des mélodies ultraglues des vieilles gloires de la pop FM -de Burt Bacharach à Whitney Houston, de Cyndi Lauper à Abba.
Sur scène, c’est tout aussi spectaculaire : désormais accompagnée d’un groupe, terriblement drôle et narquoise, l’adorable Frida et sa voix cascadeuse fascinent, captivent, et poussent les sentiments, même les plus honteux, à leur paroxysme béat. Mélodramatique et comique à la fois ; un spectacle ahurissant.
Elle tourne en France en avril, notamment dans le cadre de l’excellent Festival Les Femmes s’en Mêlent, dont vous trouverez tous les artistes et dates à cette adresse. D’ici là, Frida Hyvönen se dévoile avec trois extraits de Silence is Wild en écoute et une longue, très longue interview.
En concert : 21/3 Rennes, 23/4 Bourges, 27/3 Paris (Théâtre Marigny)
Dirty Dancing
Scandinavian Blonde
December
Frida Hyvönen, rencontre à Copenhague
Que pouvez-vous me dire à propos de vous ?
Hum…bon je suis… la raison pour laquelle vous m’interviewez c’est que je suis musicienne, et compositeur. Je joue du piano et chante. J’étais avant en solo, je me suis trouvée cette année un groupe, j’ai maintenant deux personnes, un batteur et un bassiste, c’est ce vers quoi je plonge, aussi musicalement que visuellement. A part ça j’aime lire et… je pense que je suis une personne réfléchie.
Vous trouvez que vous réfléchissez trop parfois ?
Non… je peux aussi arrêter de réfléchir si j’en ai envie… Avec une bouteille de champagne (rires)
J’ai lu dans différentes interviews l’expression « conscience de soi », qu’est-ce que vous pensez de cela ?
Hum je me demande si vous avez lu ça dans une interview anglaise, on m’a demandé à quel point ma musique était d’influence suédoise, et j’ai dit qu’elle se rapportait à la « conscience de soi ».
Comment expliquez-vous ça ?
Non, je pense que c’était une blague peut-être, mais vous savez, c’est très typique pour les suédois d’avoir une « conscience de soi » aigüe et de ne pas être expansif et passionné, mais plutôt de garder le contrôle et de tenir compte de ce que les autres pourraient penser.
Ce qui est votre cas ?
Je suis suédoise c’est vrai, mais j’ai aussi des origines finlandaises et eux sont un petit peu moins comme ça je pense, ils sont un peu plus sauvages. Mais de toute façon, c’est une chose avec laquelle je travaille beaucoup dans ma musique. Quand je commence à jouer en live, mon frère vient à mon concert et dire : « Tu ne peux pas faire ça, les gens vont penser que tu es folle », ou “Tu ne peux pas faire des pauses aussi longues entre les morceaux parce que ça met les gens mal à l’aise » et « ils ne te connaissent pas, ils vont penser que tu es dingue ». Je prends ça comme un défi à moi-même. Ca a personnellement été une chose importante d’être capable de ne plus être timide, de ne plus être introvertie sur scène, comme ces songwriters assis dans un coin qui chantent des chansons tristes. Au diable tout ça, je voulais être du genre Elvis Presley, vous voyez.
C’est un petit peu cliché pour un songwriter d’être timide ?
Oui, ça l’est. Je suis pas ça vous savez. Je pourrais le devenir facilement en regardant de l’extérieur mais ce n’est pas ma façon d’être ou celle que je voudrais adopter, ce n’est pas la direction que je veux prendre car je pense que ça peut se transformer en prison. Quand vous vous retrouvez pour la première fois devant un public vous êtes timide, je ne sais pas si ma famille ou mes amis me décriraient comme quelqu’un de timide parce qu’ils me décriraient plutôt comme quelqu’un d’ouvert et de spontané. La tradition des songwriters est tellement ancrée qu’au moins à mes débuts mes compositions demeuraient pour la plupart en mineur, très silencieuses dans leurs arrangements, et je me suis dit que ça devenait ennuyeux, que je pourrais ennuyer mon public, vous voyez. Et j’aime divertir, j’en tire du plaisir. Faire rire les gens, se livrer sur scène.
Votre personnalité sur scène est-elle la même que celle dans la vraie vie, ou y a-t-il une part de personnage ?
On joue des personnages tout le temps n’est-ce pas ? Mais c’est certainement, je veux dire quand je suis sur scène j’essaye de faire corps avec le moment, c’est probablement la meilleure part de moi-même, comme lorsque je suis avec mes amis les plus proches, plutôt drôle et spontanée. Sur scène, vous devez attirer l’attention. Mais quand je fais des affaires, je peux être une personne entièrement différente.
Où êtes vous née ? Où avez-vous grandi ? Comment était-ce ?
Je suis née dans une petite ville de quatre mille habitants du nord de la Suède, près d’Umea et Skelleftea et toutes ces villes. Donc j’ai grandi là-bas avec ma famille et…je pense que j’ai vécu une enfance très heureuse… Oui, au moins les neuf premières années c’était vraiment bien. On avait tout vous savez, on n’avait pas énormément d’argent mais mes parents nous consacraient beaucoup de temps, et tout ce que nous avions envie de faire nous pouvions le faire. Mon frère était intéressé par les ordinateurs, et j’étais intéressée par les chevaux. C’était une belle enfance, et on organisait toujours des choses en famille et avec d’autres familles, pour faire du canoë ou monter à cheval ou autres. C’était la vie idéale, je pense. Et bien sûr peu de temps à près la petite ville est devenue trop petite pour tout le monde, et chacun est parti chercher son truc ailleurs. J’avais quinze ans quand je suis partie pour aller à l’école dans une autre ville, et après deux ans dans cette ville j’en ai eu marre et je suis allée à Stockholm.
Quel était le rapport familial à la musique ?
Tout le monde, sans exception, jouait d’un instrument. Mais aucun d’entre eux n’était vraiment professionnel. Il y a moi et… j’ai une cousine qui est célèbre, qui est batteur dans le groupe Sahara Hotnights, un groupe suédois. Je pense qu’on est les deux, seulement deux musiciens vraiment professionnels. Chacun joue de quelque chose, mais de manière paresseuse, c’est comme quelque chose que vous pourriez faire de la même façon que vous jouez au football. Mes parents ont divorcé quand j’avais onze ans et c’était bizarre. Ma mère a rencontré un nouvel homme et c‘est lui qui m’a introduite à Leo Cohen, Neil Young, Dylan et m’a vraiment mis dans ça, et de ces trois-là celui que j’aimais le plus était Leo Cohen à cette époque. Alors mon père a rencontré cette femme et elle ne pouvait pas chanter juste. Et je me disais…c’était nouveau pour nous tous vous voyez, quelqu’un dans la famille qui…et elle n’aimait pas chanter. C’était inconnu pour moi !
Et ensuite avez-vous découvert d’autres groupes, d’autres artistes et vers quelles influences êtes-vous allées en grandissant ?
C’était vraiment aléatoire pour moi car je, dans la ville ou j’ai grandi il n’y avait pas de pop culture du tout, il n’y avait rien vous savez, la pop culture était quelque chose que les autres gens embrassaient plutôt dans les grandes villes. C’était une chose dont on pouvait se moquer, parce qu’on était des gens à l’écart de ça… Dans un carnaval on pouvait s’habiller en punk, vous voyez Alors qu’en ville il y avait des punks, des vrais. (rires)
J’écoutais des choses au hasard sur les radios et qu’une cousine plus âgée me donnait. Elle m’a donné Like A Virgin de Madonna pour mes sept ans que j’aime tellement. Oui, j’écoutais ça et je joue avec mon petit lapin ; quand je réécoute ces chansons je peux sentir le plastique, ce sera le cas pour toujours. Et j’écoutais Raw Like Sushi de Neneh Cherry et Bad de Michael Jackson, Solitude Standing de Susan Vega, Look Sharp de Roxette… Je connaissais toutes les paroles, mais je ne connaissais pas le sens des mots en anglais –ce qui ne m’empêchait pas de les chanter. Puis j’ai écouté The Cure et Depeche Mode, j’ai eu ces albums par mon frère, mais j’étais très passive niveau musique j’étais le consommateur de base je ne me suis jamais vraiment intéressée vous savez, j’aimais surtout danser sur la musique.
Quand avez-vous commencé à écrire des chansons ?
J’ai écrit des chansons toute ma vie, mais vers vingt ans j’ai commencé à faire des chansons à partir de lettres écrites à des amis. J’écrivais beaucoup de lettres, d’emails, et les gens adoraient recevoir mes lettres -car j’écris de belles lettres. Parfois je lisais mes courriers et je me disais « c’est vraiment un beau poème, je devrais en faire une chanson », et je pense que c’était le début de ce que je fais maintenant. Et c’était il y a onze ans à peu près.
C’était quelque chose de personnel ?
Oui… D’une certaine façon, je n’ai jamais voulu devenir une popstar ou quelque chose de ce genre, mais d’un autre côté… dans une partie de moi-même, quelque chose m’a poussé à aller dans cette direction, dans les choix que j’ai fait, et finalement je me suis dit « pourquoi pas ? » Peut-être que j’avais cette volonté cachée de lâcher la musique pour la performance scénique. Mais quand j’ai écrit ces premières chansons je n’aimais pas être sur scène, j’étais en école de musique à chanter du classique et du jazz et monter sur scène était…une torture. Chaque semestre on devait chanter en face d’un jury pour avoir de bonnes notes et vous pouvez imagine à quel point c’était inspirant…j’étais réellement terrorisée. J’avais seize, dix-sept ans et je n’avais jamais joué devant un public sauf devant ma famille pour les anniversaires, etc. Chanter des chansons avec une voix d’opéra, j’étais très jeune et je pense que réellement ce n’était pas si agréable, donc c’était plutôt difficile. Je pense que pour ceux qui travaillaient très dur les cours de classique, pour eux, c’était agréable. Mais moi, je pense que je voulais plutôt une école d’art, mais celle-ci était plutôt élitiste et cela ne m’allait pas vraiment. Alors quand j’ai commencé à écrire mes propres chansons je m’étais faite de nouveaux amis qui étaient réellement…punks, des gens qui avaient des idées sur le féminisme ou le végétalisme ou des choses de ce genre. Et parfois je jouais des morceaux avec eux, et je me disais « oh cela est si libre, cela est si différent du reste », et ça représentait un angle qui m’avait été inaccessible jusqu’alors.
Vous vous sentez comme un punk d’une certaine façon en faisant ce que vous voulez à votre manière ?
Oui, certainement. Mais je ne sais pas, punk ça a pris tellement de connotations aujourd’hui que je ne sais même plus ce que ça signifie maintenant…mais c’est comme si j’avais mis quelque chose en marche qui aurait sa propre vie et je n’ai qu’a le suivre vous savez. Ca sent la liberté vous savez, même si ça pourrait être de l’esclavage mais je me sens libre.
Qu’est-ce qui sent l’esclavage ?
Et bien vous savez le fait de suivre quelque chose comme si on me disait « viens ici petite… », non mais ça sent vraiment la liberté… je sens que j’ai les possibilités pour faire presque tout, parce que j’ai aussi des personnes qui portent de l’intérêt à ce que je fais et… mais je suis très particulière dans ce que je fais.
Qu’est-ce que vous entendez par là ?
Je travaille tout le temps. Je veux faire de bonnes choses. Je suis très sélective, j’ai une censure très dure envers moi-même, ce qui est bon je crois.
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