Trois membres d’une famille trouvent peu à peu leur place dans le monde. Le cinéaste uruguayen dévoile sans ostentation sa foi dans l’amour et dans l’Autre.
Découverte avec 25 watts (un film fauché en noir et blanc) en 2001
puis surtout Whisky (passage à la couleur) trois ans plus tard,
la collaboration entre les deux jeunes cinéastes uruguayens Pablo Stoll Ward et Juan Pablo Rebella avait malheureusement pris fin avec le suicide de ce dernier en 2006.
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Depuis, Stoll Ward avait réalisé Hiroshima (2009), présenté dans des festivals secondaires (mais jamais sorti en France), et revenait l’année dernière sur le devant de la scène avec ce 3 – Chronique d’une famille singulière, présenté lors de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes.
Formellement, depuis qu’il réalise seul, le cinéma de Stoll Ward a évolué. La raideur stylistique de ses deux films avec Rebella (de très longs plans fixes), qui coïncidait parfaitement avec un humour à la fois pince-sans-rire et totalement désespéré, a laissé place à un découpage plus souple, plus ample. Surtout, 3 laisse la place à l’espoir, certes infime, qui était quasiment absent des deux premiers films.
Cette chronique, toujours aussi retenue dans son humour, développée sur deux heures, permet non seulement aux personnages d’évoluer, de s’épanouir, mais également à leurs rapports de se transformer sans à-coups artificiels.
De quoi s’agit-il ? D’une famille décomposée.
Le père, Rodolfo, est parti depuis dix ans avec une autre femme ;
la mère (Graciela) et la fille (Ana) vivent toujours dans le même appartement, dans une sorte de fusion régressive qui les réunit régulièrement dans le même lit pour dîner et s’endormir devant un soap opera.
Mais au fond, personne ne va bien. Ana, devenue adolescente, ne fiche rien au lycée. Graciela n’a pas refait sa vie et passe la plupart de son temps libre à s’occuper de sa tante, qui va bientôt mourir. Entre Rodolfo et sa femme, rien ne va plus. Tous trois sont à l’évidence dépressifs.
Rodolfo, pourtant obsessionnel, traîne des pieds pour aller soigner ses patients (il est dentiste) et ne s’éclate que lorsqu’il joue au foot, Graciela ne sourit jamais, Ana flirte sans conviction avec des garçons. Pourtant chacun va peu à peu trouver sa place, faire des rencontres qui vont illuminer son existence, le changer profondément, intérieurement.
Ajoutant les saynètes les unes aux autres, Stoll Ward amène doucement, avec un sourire un peu en coin, ses personnages vers une réunion (au moins) provisoire des trois éléments du puzzle familial. Nulle illusion ici, nul retour à un ordre moral (l’orage gronde toujours), mais l’inquiet espoir que l’amour est un aimant, que tout est possible et que l’harmonie d’une communauté est impossible sans des échappées belles vers l’inconnu.
Au fond, c’est à un doux éloge de l’altérité que pousse cette jolie comédie uruguayenne.
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