Dans un documentraire diffusé ce soir, les acteurs clés de la crise reviennent sur les mesures prises par les gouvernements entre septembre et octobre 2008 pour préserver le monde de la faillite.
Sans que personne ne sache jusqu’où la crise financière conduira l’économie mondiale, ni ne mesure à quel point le système capitaliste sera structurellement affecté par une crise qui aura révélé ses vices, chacun peut au moins s’accorder sur un fait : l’état de panique générale qui a gagné le système financier l’automne dernier a été plus ou moins contrôlé par les politiques. Contrôlé à court terme, à défaut de prévenir de probables retours de bâton. Si la crise financière fut l’occasion de remettre à plat la toxique logique néolibérale, il semble qu’on assiste plutôt à une remise sur pied : secouée sur ses fondations, l’économie capitaliste a été sauvée par la grâce des Etats qui, redécouvrant les vertus de l’interventionnisme, sont venus au chevet d’un système malade mais résistant.
C’est cette opération de sauvetage, concentrée sur quelques semaines, entre la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre et la décision de la convocation d’un G20, quarante jours plus tard, que décortique cette enquête pointilleuse. Cette investigation se veut la chronique d’une faillite annoncée, d’un système dénoncé mais sauvé. Les images d’actualité ici consignées, issues des JT durant ces huit semaines, rappellent comment les économies nationales cédèrent à la panique sous le poids de la crise bancaire. Le prêt interbancaire ne fonctionne plus, puisque les banques ne se font plus confiance entre elles : ce sera le rôledes Etats de les requinquer.
L’enquête détaille, jour après jour, la stratégie des gouvernements en la matière. Mais plutôt que de s’en tenir au vernis du discours officiel, les enquêteurs racontent les coulisses de la prise de décisions grâce à une somme d’entretiens avec les personnalités clés de la crise. Ministres des Finances français, belge, allemand, conseillers à l’Elysée (François Pérol, alors secrétaire général adjoint de l’Elysée, Jean-David Levitte…), sherpas des dirigeants, banquiers (Jean- Claude Trichet)… : tous évoquent la tension extrême de ces quarante jours où le monde financier a failli sombrer. De la faillite de Lehman Brothers au plan Paulson, de la faillite de la Lloyds TSB à celle de la banque Fortis, suivie de celle de Dexia, de l’état de banqueroute de l’Irlande à la réunion du G4 à Paris, de la faillite de la banque allemande Hypo Real Estate à la réunion de Camp David le 18 octobre, tous reviennent sur la difficile neutralisation de l’effet domino qui gagne toute la planète financière.
Nationalisations, recapitalisations, rapports de force diplomatiques : tout est détaillé dans le documentaire porté par le souffle d’une tragédie accélérée. En approchant le coeur de la machine, l’enquête révèle l’énergie déployée par les politiques pour éviter le crash intégral. Mais en se concentrant sur le centre du pouvoir, elle efface les nombreuses voix critiques qui, à sa périphérie, dénoncent les fondements d’un système financier qu’il fallait moins consolider que transformer. Les accents héroïques de cette chronique d’un monde au bord de la faillite sont trompeurs, en ce sens qu’ils insistent sur l’exploit d’un sauvetage en lieu et place de l’échec d’un renouveau.
Un monde au bord de la faillite : Enquête de Caroline Roux, Gilles Delafon, Alain Contrepas et Alexandre Amiel. Vendredi 27 mars 2009 à 22 h 50 sur Canal+