Pas toujours pris au sérieux par les gamers aguerris, les party games ont pourtant plus de choses en commun avec les jeux vidéo « traditionnels » qu’on ne pourrait le penser. Tour d’horizon des dernières productions alors que, de la collection PlayLink à « It’s Quiz Time » en passant par les adaptations d' »Uno » et du « Monopoly », les jeux festifs sortent en masse pour la fin d’année.
C’est un continent immense mais négligé. Un territoire un peu en friche et pourtant surpeuplé. Un espace que les « vrais gamers » (comme ils disent encore parfois) ne fréquentent qu’en rasant les murs. Il ne faudrait pas qu’on les surprenne ici – leur réputation en souffrirait, c’est sûr. En marge des blockbusters comme de la scène indé, des expérimentations arty ou de la production en série, il existe un autre jeu vidéo, sans âge et (si tout se passe bien) festif, une sorte de monde (vidéoludique) à l’envers, comme on dit dans Stranger Things, dans lequel, loin des RPG et des FPS, règnent les party games, les quiz, les karaokés ou les adaptations de jeux de société, autant de titres pas toujours fameux, mais qui, dans le contexte et étant donné leur fonction, ont à peine besoin d’être bons. C’est leur avantage et, aussi, leur limite.
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Micros et gros buzzers colorés
Cette partie non noble, en tout cas si on se fie à sa réception critique, de la sphère vidéoludique a connu son âge d’or au milieu des années 2000. C’était l’époque de la Wii triomphante et, sur les consoles de la famille PlayStation, des jeux à accessoires : des micros dans lesquels s’époumoner pour Singstar, des chouettes buzzers aux gros boutons colorés pour faire comme si on était à la télé pour Buzz, le jeu de quiz phare de l’époque.
Mais les temps ont changé : sur PS4, avec la gamme PlayLink, leurs héritiers se passent aujourd’hui même de manettes pour se pratiquer un téléphone portable à la main, les seules contraintes étant de télécharger une application spéciale et de se connecter au même réseau wifi que la console. Le goût des gadgets et de la mise en scène (de soi, si possible au pluriel) s’efface derrière le désir d’immédiateté. Qu’il s’appelle Knowledge is Power (le quiz version PlayLink) ou SingStar Celebration (le dernier né de la série de karaoké, heureusement compatible avec les morceaux achetées en ligne pour les anciennes versions, par exemple Love Will Tear Us Apart ou Everyday is Like Sunday chez nous), le party game se fait prolongement de la vie « normale » plutôt que cérémonie quasi déguisée. On en oublierait presque que c’est – quand même, encore et toujours – du jeu vidéo.
Cette possibilité de jouer via une application mobile ne se limite d’ailleurs pas aux jeux de la gamme PlayLink. C’est aussi le cas du titre multiplateformes (PS4, Xbox One et PC) It’s Quiz Time dont, nous assure-t-on, une partie de l’équipe de développement avait jadis œuvré sur Buzz. Même chose pour le principal concurrent de SingStar, Let’s Sing 2018, en tout cas sur PS4 car sa version Switch, par ailleurs tout à fait à la hauteur, ne possède pas (encore ?) d’application dédiée et ne peut se pratiquer qu’avec des micros branchés soit en USB sur le socle connecté à la télé de la console de Nintendo, soit directement sur cette dernière mais avec un adaptateur. Dommage : si un ou deux mobiles avaient suffi pour pouvoir beugler joyeusement du Johnny Hallyday –légalement, on est obligés –, cette dernière aurait pu se métamorphoser en une parfaite machine à karaoké portable et, du coup, dégainable à volonté. En un truc (encore plus) indispensable, donc.
Des interfaces de plus en plus soignés
A l’usage, ce sentiment que, vraiment, il suffisait de peu, et souvent d’ailleurs de quelque chose en moins plutôt qu’en plus, pour que ce soit vraiment bien, est d’ailleurs omniprésent sur ce vaste continent. Le party game a connu des jours meilleurs, c’est entendu, mais il semble aujourd’hui surtout écartelé entre ses moyens et ses ambitions. Proposer 25 000 questions comme It’s Quiz Time, c’est bien, mais si c’est pour sacrifier l’écriture et la traduction, à quoi bon ? s’interroge le joueur en cherchant « quel pays a Hymne national argentin comme hymne national » et qui est l’interprète de la chanson « mille neuf cent quatre-vingt dix neuf » – l’à peu près bonne réponse est Prince.
De son côté, Knowledge Is Power multiplie les gimmicks, traîne en route et en oublie presque l’essentiel : le quiz lui-même. Car, dans sa forme la plus simple et directe, le quiz et le karaoké sont des modèles de dispositifs vidéoludiques. Une demande, une action (choisir une réponse, chanter), une évaluation immédiate (c’est bon, c’est dans le ton), voilà l’essentiel. FIFA, Overwatch ou Mario, c’est pareil (même s’ils ne font pas que ça). Le pur jeu vidéo (plutôt qu’une sorte d’anti-jeu, donc) est là.
Les adaptations de Monopoly et d’Uno, récemment lancées par Ubisoft sur la Switch font un peu figures d’exemples à suivre. L’interface est soignée et les options les plus utiles ne manquent pas : on peut jouer à plusieurs sur une seule console (qui remplace ainsi, selon les cas, le plateau, les cartes, les dés) mais aussi seul chez soi et avec des inconnus via Internet. On peut aussi retoucher certaines règles et mettre sa partie en pause pour la reprendre plus tard quand elle s’éternise un peu – au Monopoly, en particulier. La partie « vidéo » ne fait pas écran au jeu. De la même façon que la captation en plan fixe est souvent la manière la plus convaincante de filmer une pièce de théâtre ou un concert, l’adaptation de jeu de société et le party game sont rarement meilleurs que frontaux et directs.
On ne joue pas à jouer au Monopoly, à chanter ou à répondre à un quiz : on joue au Monopoly, on chante, on trouve l’interprète de « mille neuf cent quatre-vingt dix-neuf ». On ne fait pas semblant et, souvent, on se dit qu’on mériterait mieux. Mieux que des titres sur-produits ou mal finis, qui en font trop ou pas assez. Le party game mériterait mieux car, vidéo ou non, en lui, bat le cœur du jeu.
It’s Quiz Time (Snap Finger Click), sur PS4, Xbox One et PC, 20€
Knowledge is Power (Sony), sur PS4, 20€
Let’s Sing 2018 (Voxler / Koch Media), sur PS4, Switch et Wii, 40€
Monopoly (Ubisoft), sur Switch, 40€
SingStar Celebration (Sony), sur PS4, 20€
Uno (Ubisoft), sur Switch, 10€
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