La cinéaste Axelle Ropert (« Tirez la langue mademoiselle », « La prunelle de mes yeux »…) rend hommage à Johnny Hallyday et à son sourire imprévisible, capable d’animer en un instant son être autant que celui des autres. Une première pour le rockeur dont on avait surtout fait l’éloge des yeux bleus.
J’ai toujours aimé Johnny Hallyday. Le premier souvenir que j’en ai, c’est en 1985, lorsque devant les couvertures de Paris Match le représentant en couple avec Nathalie Baye, je me disais du haut de mes 13 ans : “Mais qu’est-ce qu’ils sont beaux, qu’est-ce qu’ils ont l’air de s’aimer” ! Evidemment, les ados de l’époque écoutaient plutôt Daho, Depeche Mode, Michael Jackson, ou les Smith pour les plus pointus, mais Johnny avait un truc unique qui faisait que je m’arrêtais dès que je le voyais à la télé : son sourire.
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Johnny ne souriait pas tout le temps, et quand il s’y mettait, le sourire ne montait pas peu à peu avec prudence, mais surgissait d’un coup et se déployait toute dans sa largeur, généreux à l’extrême. Le sourire de Johnny, c’est aussi un détail qui tue, irrésistible : il avait “le sourire avec les yeux qui se plissent”, la malice montait de la bouche aux yeux, se transmettait à tout le visage, puis tout son être souriait, et quand tout son être souriait, la France se réchauffait. Il avait l’art de l’embellie.
Il avait aussi le charme tranquille de John Wayne ou Dean Martin, cette nonchalance américaine qui veut croire qu’avec un peu de jugeotte, de sang-froid, et d’humour, on va régler tous les problèmes. Johnny arrivait, et d’un coup, le ciel des soucis s’éclaircissait. Et pourquoi pas, dans le fond ? Pourquoi devrait-on penser qu’un grand artiste doit toujours “inquiéter” plutôt que réconforter ? J’aime à croire que les grands artistes vous rendent toujours plus forts comme êtres humains, et avec Johnny, le tout-venant des complications de la vie (la femme qui quitte la maison, le patron qui vous tyrannise, l’enfant qui crise, l’argent qui manque) s’envolait – avec lui, tout était plus simple.
Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’avec la mort de Johnny, c’est aussi le sentiment d’appartenir à un même pays, à une même histoire qui se perd. Avec lui, nous pouvions tous partagé une chanson, à travers sa voix, le sentiment d’une France commune résonnait. Aujourd’hui, les artistes que j’aime font 56 vues sur Youtube et personne ne les connaît, et ceux que mon fils de 12 ans aime font 15 millions de vue et moi, je n’en ai jamais entendu parler. Séparés, isolés, réduits à être une molle chaîne d’atomes, de niches, de particularismes ? Mon dieu, mais quelle tristesse… Nous offrant son large, rayonnant, et brusque sourire, qui nous réunira à nouveau ?
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