Neuf personnes dont Bruno Gaccio ont été espionnées par Canal +. C’est ce qu’a établi l’instruction menée par la juge Nathalie Turquey depuis juillet 2005, et terminée il y a quelques jours.
Le Monde révélait dans son édition de dimanche que la chaîne cryptée avait été mise en examen en juillet 2008, pour complicité « d’atteinte à l’intimité de la vie privée, atteinte au secret des correspondances, transmission et recel d’informations nominatives, violation du secret professionnel et recel« .
C’est une cellule baptisée SSSI (service de sécurité des systèmes d’information) qui serait à l’origine de ces agissements. Montée par Gilles Kaehlin, chef de la sécurité et ancien des renseignements généraux, composée d’anciens gendarmes et policiers, son rôle était de faire la chasse au piratage de décodeurs. Mais elle se serait également livrée à des activités moins avouables, comme surveiller et se débarrasser de certains employés.
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En 2003, Michel Rocher est le premier à en faire les frais. Directeur technique, responsable du doublage et du suivi technique des films coproduits par la chaîne, il proteste en 2002 contre le déménagement de son service décidé par Kaehlin. Début 2003, il est licencié pour « faute lourde » et « corruption », sur la base d’un dossier peu sérieux. La plainte portée contre lui par Canal + se termine par un non-lieu en 2005, et la chaîne est condamnée par les prud’hommes à lui verser une indemnité de 160 000 euros pour licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».
Quand la cellule se penche sur le cas de Bruno Gaccio, les choses vont encore plus loin. En 2002, Pierre Lescure, alors patron de la chaine, est limogé par Jean-Marie Messier. Un vent de révolte souffle parmi les employés de la chaîne et Gaccio se retrouve à la tête du mouvement. Dans les locaux, des mesures de sécurité démesurées sont mises en place : badges à présenter, caméras de surveillance… L’une d’elle est même installée devant le bureau de la plume des Guignols, qui la casse à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’on en installe une blindée. Un comportement que Kaehlin apprécie peu.
En 2002, Pierre Martinet, ancien de la DGSE, est chargé de surveiller Bruno Gaccio. Il serait alors question de le faire tomber en montant une affaire de cocaïne. Cette option fait chou-blanc à la brigade des stupéfiants de Paris, faute d’éléments pour étayer l’accusation de deal. C’est alors une agression physique, à coups de manches de pioche, qui est planifiée par Martinet. Elle n’aura finalement pas lieu. Martinet assure avoir agi sur les ordres de Kaehlin, et en 2005 il relate l’affaire dans son livre Un agent sort de l’ombre.
En mars 2007, Gilles Kaehlin et Gilbert Borelli, l’homme à la tête de la SSSI, étaient mis en examen pour « violation de la vie privée, complicité de violation du secret professionnel et interception ou détournement de correspondance« . Leurs avocats accusent Martinet d’affabulations. Le procès devrait avoir lieu en 2010.
Antoine Cappelle
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