JD Beauvallet a entendu la BO de la fin du monde : elle dure une seconde.
C’est le genre de film que me propose la nuit, quand les insomnies dansent la java dans la tête. Il s’appelle Le Jour d’après, un navet écologico-spectaculaire révélant un monde – surtout l’Amérique – pris par les glaces qui déboulent du Nord à la vitesse d’un TGV au galop. Pas glop. Mais une scène, qui ne dure que quelques secondes, me hante impitoyablement depuis, alimentant sans répit les prochaines insomnies – c’est malin.
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Des hommes, dans une station météorologique, sont aux avant-postes de cette soudaine glaciation, la sentent venir dans leur abri et soudain, l’électricité et leurs machines s’éteignent à l’unisson, rendant l’âme en un petit bruit plaintif, en un dernier souffle technologique – le chant du signe. Depuis, je suis obsédé par ce son, je l’entends partout, c’est la voix de la mort de notre civilisation, de la fin de la société des machines. Ça fait pioooooooouuuu puis plus rien – et ça glace les sangs.
Ce son, qui donne enfin une musique à l’époque, on l’entend constamment dans le terrifiant roman La Route de Cormac McCarthy. Il y dévoile une société dévastée par un carnage écologique, abandonnée à quelques hordes de pillards barbares et de hobos hagards. Un genre de Mad Max contemplatif et horizontal, où le rationnement des mots, les phrases sèches et affamées racontent une Terre aride, hostile et brûlée, évidée de sa fertilité, où l’on tue pour une boîte de conserve oubliée par ceux d’autrefois. Et pourtant, dans ce mode de vie devenu strictement fonctionnel, c’est-à-dire réduit aux fonctions basiques les plus mornes, un homme fabrique de ses mains gelées une flûte à son fils. Un geste énorme pour lui, dans lequel il met tout ce qui lui reste d’amour et d’humanité. Mais il se rend compte, quelques kilomètres, cadavres momifiés et arbres calcinés plus loin, que son fils l’a jetée : la musique est déjà devenue indécente, plus inutile encore que les rares mots.
“Nous sommes réunis, nos derniers mots s’éteignent, la mer à disparu, le paysage est nu (…) Nos corps sont presque froids, il faut que la mort vienne, la mort douce et profonde. Bientôt les êtres humains s’enfuieront hors du monde. Alors s’établira le dialogue des machines, l’informationnel remplira triomphant le cadavre vidé de la structure divine…”, chantait Michel Houellebecq. Ou, dit en d’autres mots : pioooooooouuuu. Et puis plus rien.
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