Fidèle de Björk, Leila se lance en solo : depuis l’Islandaise ou Tricky, on avait rarement à ce point désiré le futur. Il existait autrefois un artiste talentueux connu sous le nom de Prince. Explorateur, il emportait avec lui des espèces menacées sur terre la pop, la soul, le rock, le funk pour […]
Fidèle de Björk, Leila se lance en solo : depuis l’Islandaise ou Tricky, on avait rarement à ce point désiré le futur.
Il existait autrefois un artiste talentueux connu sous le nom de Prince. Explorateur, il emportait avec lui des espèces menacées sur terre la pop, la soul, le rock, le funk pour tester leur résistance et leur accoutumance sur d’autres planètes. Puis, satisfait de son effet, il revint sur terre et prit sa retraite. Quelques années plus tard, ses recherches seront reprises avec le plus grand sérieux par la malicieuse Björk, qui trouva une solution radicale à la surpopulation des musiques d’ici-bas : les habituer à l’apesanteur, leur proposer des balades dans l’espace. Il faut dire que Björk vivait en Islande, la planète vierge la plus proche de la Terre. Lors de deux de ses voyages à l’époque de Debut, puis de Post , elle emporta dans ses bagages, au nom de ces échanges internationaux de scientifiques, une spationaute d’origine iranienne, Leila Arab.
Une fréquentation tellement passionnante que Björk avouera compter sa joueuse de clavier parmi ses principales sources d’inspiration. C’est ainsi qu’on commença à fréquenter Leila Arab, que l’on repérera ensuite en intelligente compagnie des Ecossais de Plaid. On s’enticha carrément de sa famille lorsqu’on se rendit compte que sa soeur Roya avait prêté sa voix imposante à Archive. Puis il y eut le choc Don’t fall asleep, un tuyau en or refilé par Radio Nova. Comme on n’a pas toujours la chance de fréquenter le futur, on se disait que la soul pourrait bien un jour ressembler à ça, si seulement elle avait de la mémoire et sortait enfin du bain de miel où elle a fui le danger. Une soul ivre, mal élevée, rugueuse, qui n’aurait jamais été tripotée par MTV ; une soul lo-fi, une soul sale, incapable de lire les recettes Findus, une soul primitive. Aux gestes brutaux, rustres, mais aux caresses inédites. Pour la première fois, on entendait Curtis Mayfield produit par Lou Barlow et c’était formidable.
Depuis, comme en témoigne le très étrange carnet de bord(el) que constitue Like weather, Leila a continué d’explorer. Avec une boussole génialement déréglée à bord : Richard James, le cerveau d’Aphex Twin également tête chercheuse du label Rephlex. Il est ici crédité de l’apport de « sonic wizardry » (« sorcellerie sonique ») sur un album composé, enregistré et mixé par Leila Arab à la maison. Une maison qui, à l’évidence, n’a pas grand-chose d’un home sweet home poussiéreux d’habitudes, lénifiant de confort. On imagine les idées voler comme les assiettes un jour de scène de ménage, se fracasser les unes contre les autres, déformer, repousser les murs. De l’extérieur, une bicoque biscornue et inhospitalière, genre famille Addams. Et pourtant, une fois gratté le mince voile opaque qui semble empêcher la lumière d’irradier Like weather, on s’installe avec une sérénité rare dans cet agencement en labyrinthe, dans ces pièces aux formes invraisemblables Space, love et sa symphonie soumise au supplice chinois ; Piano-String, où Leila châtie Satie ; Misunderstood et Know, inconnus des hommes ; Melodicore et son clavecin joué par Miguelito Loveless… Cette artiste sera désormais connue sous le nom de Princesse.