Réprimons illico les hoquets de dégoût que pourrait susciter chez certains esprits sectaires la présence d’un violon, instrument peu (ou à moyen escient) usité dans la musique de jeunes : devant beaucoup plus à John Cale qu’à Nigel Kennedy, Dirty Three délivre un remède de cheval contre une épidémie toujours à craindre de technicité aiguë. […]
Réprimons illico les hoquets de dégoût que pourrait susciter chez certains esprits sectaires la présence d’un violon, instrument peu (ou à moyen escient) usité dans la musique de jeunes : devant beaucoup plus à John Cale qu’à Nigel Kennedy, Dirty Three délivre un remède de cheval contre une épidémie toujours à craindre de technicité aiguë. Mais ce n’est pas demain la veille que Jim White (percussions), Mick Turner (mélodica, guitares) et Warren Ellis (violon, donc) rempliront la salle Pleyel ou alors pour mieux la vider aussi sec. Croque-mitaines aussi rassurants qu’un peloton d’exécution, ces Australiens voisins d’ombre de Nick Cave sortent leurs griffes de la nuit, lacèrent les partitions poussiéreuses, hachurent l’air de notes bleues comme l’enfer et strient les coeurs d’agrippantes mélopées empoisonnées. Devant un si impressionnant déploiement de forces instrumentales patibulaires, les mots n’en mènent pas large, rasent les murs du son et déguerpissent en loucedé, laissant une place entièrement nette à la musique. Au commencement n’était plus le verbe, invité à aller voir ailleurs si l’hospitalité y est. De même, rien n’est mis en oeuvre pour rendre agréable aux passagers cette plus qu’houleuse traversée. Et pourtant… Dieu que la musique en est belle ! Une fois à bord d’Ocean songs, personne ne vous entendra crier, de frayeur et de bonheur mêlés. Univers régi par l’absence de règles, tendu de velours sombre et tapissé de frissons ardents, le monde des Australiens ne se traverse pas sans dommage. Mais il serait plus que dommage de ne pas s’y acclimater, tant il agit sur l’auditeur-explorateur comme un baume sur une plaie. Concocté à Chicago avec l’aide précieuse de Steve Albini, fameux expert en pharmacopée radicale, Ocean songs, quatrième onguent prescrit par le groupe, réitère l’exploit poétique du précédent en organisant quelque chose comme la rencontre, forcément au sommet, entre les divins Spain et les maléfiques Supreme Dicks. Idoinement titrés, Authentic celestial music et Deep waters permettent de se faire une très convaincante idée de ce que peut être le paradis sur disque. En guise de supplément de grandeur, David Grubbs gratifie de son doigté pianistique lumineux trois morceaux d’Ocean songs, tout en lancinances, dissonances et infectieuses fragrances, que la grâce ne lâche pas soixante-sept minutes durant.
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