Avec l’émission La Gaule d’Antoine, De Caunes explore la France pour y débusquer fantaisie et créativité. Treize épisodes, treize régions, des rencontres revigorantes menées tambour battant.
Vous flippez à force de barboter dans l’image assénée ad nauseam d’une France dépressive, sans projet, rongée par les crises ? Pas de panique, Antoine de Caunes et ses équipiers habituels (Bertrand Delaire, Peter Stuart…) sont là, avec une nouvelle émission, La Gaule d’Antoine, pour laquelle sont prévus treize épisodes – autant que de régions françaises.
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Car derrière ce titre facétieux se niche une belle plongée dans notre pays du fromage et du Lexomil, comparable à ce que Tintin de Caunes a déjà fait avec les Etats-Unis (l’émission de radio Marlboro Music), l’Angleterre (Eurotrash) ou les grandes métropoles (Berlin, Tokyo, L.A., Séoul, etc.) : soit parler d’un endroit de la planète en mélangeant humour et curiosité, en allant débusquer la créativité, l’originalité, les petites ou grandes idées, la folie douce ou furieuse de ses habitants.
Si vous voulez du saugrenu, de l’étonnant, de l’incroyable mais vrai, Rouletabille de Caunes et l’Aquitaine ont ça en magasin
On a pu visionner la première étape de ce tour de Gaule qui nous mène en Nouvelle-Aquitaine (le quart sud-ouest de la France, grosso merdo) et ça envoie bien. Astérix de Caunes a ainsi rencontré les gens de Dronisos, une start-up spécialisée dans les ballets de drones, spectacles absolument bluffants si l’on en croit les quelques images du reportage.
Bienvenue aussi chez Hotu, un groupe de hackers slackers qui balance sur internet des vidéos truquées poilantes détournant l’actu. Par contre, les gars, faudrait penser à faire la vaisselle et à manger cinq fruits et légumes par jour. Plus classique – quoique –, le marathon du Médoc : pas besoin de vous faire un dessin pour que vous imaginiez l’état des coureurs à partir du cinquième kilomètre et du troisième godet de grand cru.
Tout aussi classique – quoique –, les surfeurs biarrots : ceux d’Antoine sont regroupés en collectif rock’n’rollien avec le groupe La Femme comme totem et membre. Si vous voulez du saugrenu, de l’étonnant, de l’incroyable mais vrai, Rouletabille de Caunes et l’Aquitaine ont ça en magasin. Comme ce duo de fermiers bio qui sont aussi heavy-métalleux à mi-temps sous le blaze de The Inspector Cluzo, et qui cartonnent dans leurs deux activités. Cet alliage de José Bové et de Lemmy vous semble antinomique ? Tsss tsss, nos deux gars vous expliquent qu’un foie gras maison et un son de guitare authentique, c’est la même philosophie. On valide.
Petite cerise de cinéma pour la fin avec Jim Cooper, le Clint Eastwood local, qui tourne en famille des westerns à micro-budgets
Et que dire de cette étrange artiste, Stéphanie Barthes, qui empaille des bêtes et se livre à des performances où elle s’enlace nue avec leurs dépouilles écorchées ? Etonnant non ? Cette taxidermiste fout plus les jetons que le taxi driver de Scorsese. D’autres concitoyens aquitains sont spécialisés dans la tonte de moutons (superbe gestuelle) et participent aux championnats du monde de la catégorie – dont les terreurs, comme au rugby, sont les Néo-Z. Impossible de faire l’impasse sur l’ovalie en ces terres du Sud-Ouest : de Caunes nous fait visiter une chapelle dédiée au XV où le ballon ovale est omniprésent, jusque sur les vitraux.
Petite cerise de cinéma pour la fin avec Jim Cooper, le Clint Eastwood local, qui tourne en famille des westerns à micro-budgets. Cooper semble très méticuleux dans son artisanat et les quelques images offertes ici induisent que ses films ne sont pas plus mauvais que certains westerns Z. Le plus drôle, c’est de voir défiler le générique avec toujours le même nom, puisque monsieur, madame et fifille occupent tous les postes techniques.
Contre tous les ressassements déclinistes, ce collier de reportages braque le regard vers une France créative, joyeuse, moderne, ludique
Bilan de cette virée en Aquitaine menée par un de Caunes toujours aussi malicieux ? Commençons par un petit bémol : 80 minutes, c’est un poil trop long pour une enfilade de petits reportages vifs de 5 minutes (perso, j’aurais sucré les segments Jean Lassalle et Miss Aquitaine, trop évidents). Pour le reste, que du bon, du surprenant, du revigorant, entre classiques (pinard, foie gras, surf…) revus et corrigés sous un angle inattendu et inventivité tous azimuts.
Contre tous les ressassements déclinistes, ce collier de reportages braque le regard vers une France créative, joyeuse, moderne, ludique, qui sait rester fidèle à ses traditions tout en s’ouvrant au monde et à la modernité, à ses désirs et ses délires. Derrière la légèreté, le plaisir et la déconnade, une forme de leçon politico-philosophique. Et le deuxième épisode qui explorera les Hauts-de-France s’annonce ch’topissime. Félicitations Monsieur Antoine : à 64 ans, votre Gaule est belle et vigoureuse. Et contagieuse. Serge Kaganski
La Gaule d’Antoine, mercredi 13 décembre, 21 heures, Canal+
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