La crise du disque et la montée du taux de sucre chez les vieux l’ont voulu ainsi : cette année les Victoires de la Musique étaient avant tout une victoire sur l’alcool. Pendant la longue attente qui précède la retransmission de la cérémonie à la télévision, en coulisse des hôtesses accortes mais sévères prient ainsi […]
La crise du disque et la montée du taux de sucre chez les vieux l’ont voulu ainsi : cette année les Victoires de la Musique étaient avant tout une victoire sur l’alcool. Pendant la longue attente qui précède la retransmission de la cérémonie à la télévision, en coulisse des hôtesses accortes mais sévères prient ainsi les soudards qui hantent le bar minuscule situé devant l’entrée des loges s’aller étancher ailleurs leur soif de bulles, ou de se rabattre sur celles du Perrier, lequel coule en revanche à flot. Nous on s’en fout, on est là pour bosser, c’est surtout pour les autres. Jean Réveillon, le patron de France 2, un type qui porte décidément très mal son nom, veille d’un oeil noir au strict respect de ces consignes, car les années précédentes le budget bibine a largement amputé celui de la création originale française et empêché le tournage d’une série historique sur l’Occupation d’après Jean Dutourd.
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Ces mesures de restriction font visiblement autant de ravages que le piratage dans la profession. J’aperçois notamment dans un coin, assise sur une chaise mal confortable, une dame d’un certain âge visiblement en train de s’assécher comme un vieux biscuit. Allant voir de plus près, stupéfaction, c’est Johnny ! « D’où viens-tu Johnny ? » je dis, surpris de voir le chanteur abandonné comme il l’a été d’ailleurs par les votants, qui n’ont pas pris la peine d’écouter son bel album de rock’n’roll mature écrit par Miossec à jeun et Ben L’oncle Saoul. « Je suis là incognito, ta gueule ! » me répond vertement l’idole des jaunes très en manque de Pastaga à cette heure apérogène, et qui souffre depuis plusieurs semaines du syndrome Gilles de la Tourtel en raison d’un sevrage brutal, lequel l’a amené dans un livre récent à insulter gratuitement tous ses collègues de travail. D’ailleurs il continue sous nos yeux, Jo la langue de pute, à défourailler les plus en forme parmi ses semblables. Après Henri Salvador et Claude François, c’est Joe Dassin (« Un faux cul, hyper louche »), Richard Antony (« il a voulu me doubler l’enculé de Grec » confondant au passage l’auteur de Aujourd’hui je suis amoureux de la femme avec Demis Roussos) et même Grégory Lemarchal (« Du temps des yéyés on tolérait pas les pédés ») qui en prennent ainsi plein leur musette. Tu es dur Johnny, réponds-je, mais il n’est pas faux que depuis que Sardou est de gauche le méridien de la connerie publique a comme des décalages bizarres qu’il convient de remettre en place. A ce moment-là Johnny pose sur moi un regard de vache et murmure douloureusement : « Copain, trouve-moi un Sauvignon ou je crois que je vais faire une connerie ».
J’appelle à la rescousse Enrico Macias, auquel est rendu bientôt un hommage pour l’ensemble de son œuvre (y compris ses placements en Islande) mais le chanteur Garbit est en grande discussion avec un patron de label indépendant pour un album de reprises des discours d’Henri Guaino en slam. Je traîne alors péniblement mon vieux fut à sec pour lui trouver un capitaine de soirée. Je cherche en vain les loges de Garou, de Christophe Maé, de Pascal Obispo, de Patrick Bruel, de Nolwenn Leroy, putain mais y’a personne de connu dans cette turne ! Ils sont où les poids-lourds du disque ? Des Dominique A, des Barbara Carlotti, des Lescop, des Rover, des Lou Doillon, ça y’en a, mais des artistes qui claquent la bise à Dove Attia et font du tennis en salle avec Claire Chazal, on n’en trouve pas un seul ! La gauche est passée et voilà le résultat : plus un seul chanteur de droite n’a droit à une médaille. Seul Raphaël et les BB Brunes sont nommés pour l’UMP mais ils repartent sans rien, tandis que les jeunes traders de C2C (la version Carte Jean’s du CIC) seraient aux dernières nouvelles adeptes d’un centrisme collaborationniste avec les services de Bercy, où ils espèrent se produire en septembre.
Mon ami twister a heureusement trouvé un abreuvoir du côté de la salle de presse, où on l’a fait passer pour un correspondant de la Dépêche de Saint Barth, et devant l’écran géant nous regardons la fin des résultats. Camille chanson de l’année, Jojo s’époumone « Amène-moi du bouillon cube et un magnum de Ruinart je te fais la même en rotant, fils de chien ! » Nous admirons alors Jean-Luc Lahaye, venu en slip de bain, se lancer dans un plongeon spectaculaire que mes confrères et moi tenons pour une allégorie mélancolique de sa carrière de Papa Chanteur, avant de nous rendre compte que notre embarrassant convive rocker avait juste manipulé la télécommande pour zapper sur Splash en bramant « Aliagas Akbar » dans un silence interdit qui gâchait bien la fête.
L’an prochain, mon Jojo, on ira plutôt aux NRJ Music Awards parce que là, ça sentait vraiment trop la clope roulée et l’intermittence du spectacle. « Sale pute » me lance en retour mon nouvel ami, mais c’est juste parce qu’il venait de reconnaître Orelsan.
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