Une édition inédite des nouvelles de la grande Clarice Lispector, qui mettent en scène des héroïnes piégées dans des vies qu’elles ne choisissent pas.
Des femmes, dispersées en quatre-vingt-cinq textes, depuis leur jeunesse jusqu’à l’âge mûr. C’est la sensation qui émane de ce recueil. Il rassemble, pour la première fois en français, la totalité des nouvelles de Clarice Lispector, dont plusieurs ébauches inédites.
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Du début des années 1940 à la fin des années 1970, la grande dame des lettres brésiliennes a ausculté l’intériorité de ses héroïnes, en général représentantes de la classe moyenne, perdues dans un quotidien sans intérêt et sur lequel elles n’ont pas de prise.
Des thématiques de plus en plus noires
Ces textes, très actuels, portent un incontestable engagement féministe. Les héroïnes de l’auteure de Près du cœur sauvage doivent affronter interdits et obstacles, et n’y parviennent pas toujours. Elles sont marquées dans leur chair par l’oppression des hommes et désespèrent d’exister, sans pouvoir nommer leur malheur.
Lispector possède le talent de faire partager en quelques mots leur désarroi : “J’étais isolée du monde par un voile épais et sans m’en douter, coupée de moi-même par un abîme”, dit l’une d’elles. Au fil des pages apparaissent des thématiques de plus en plus noires, l’isolement, la vieillesse, la mort, et Clarice Lispector aborde ces sujets d’une façon inédite et frontale, comme lorsqu’elle imagine la sexualité d’une femme âgée, un sujet toujours tabou.
Une littérature sans couleur locale
Lispector, qu’on a pu comparer à Virginia Woolf, est née dans un shtetl en Ukraine juste avant que sa famille n’émigre au Brésil en 1920. Elle était étudiante quand elle a publié pour la première fois, puis est devenue journaliste de mode et a parcouru le monde.
Bien qu’elle écrive exclusivement en portugais, elle pratiquait une littérature sans couleur locale et ses héroïnes pourraient évoluer dans n’importe quel pays, ce qui donne une tonalité particulièrement moderne à son travail. Et en lisant sa prose chronologiquement, grâce à ce recueil, on mesure l’évolution de sa plume tranchante, on la voit s’autoriser de plus en plus d’audaces narratives, par exemple dans sa façon d’entrer, comme par effraction, dans le tumulte d’un monologue intérieur.
Nouvelles – Edition complète (Des femmes-Antoinette Fouque), traduit du portugais (Brésil), 475 p., 23 €
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