Un nouveau U2 pas si nouveau malgré quelques efforts de décoration et d’humilité.
Ces derniers mois, Bono est tombé. De vélo, déjà, pour une chute déjà plus documentée que celles du peloton du Tour de France un jour de verglas. De haut, ensuite, quand des hackers bien nourris ont associé son nom à ceux de vulgaires fraudeurs du fisc. On ne sait pas si les deux révélations quasi-divines – sur l’immortalité, l’intouchabilité, le statut ébréché d’icône à vilaines lunettes –, si ces deux chocs traumatiques ont contribué à pousser l’Irlandais vers un repli fœtal, une régression spectaculaire. Mais une chose est certaine : U2 a très nettement avancé. A reculons. Car il ne faut pas ici se laisser bluffer par la présence über-crédibilisante du rapper Kendrick Lamar sur le pourtant bon Get Out Of Your Own Way, par l’intrusion presque comique d’un auto-tune sans garde-chiourme sur l’excellent Love Is All We Have Left : le nouvel album de U2 s’appelle Songs of Experience et il faut souvent comprendre le mot “expérience” comme “routinier” au mieux, “gâtisme” au pire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Simple et basique
Le pire, c’est que ça commence et finit très bien, par deux de ces ballades atmosphériques et humbles, par des bonaces entre deux tempêtes surjouées, que la voix dénudée de Bono habite avec puissance. La faute, sans doute, à un groupe devenu sourd à l’extérieur, qui laisse quelques jolis textes personnels comme rarement, simples et basiques comme dirait Orelsan, se perdre dans des échos de guitares normales, des stadium-rocks habituels dignes de gommeux, de crâneurs (l’intolérable American Soul), là où la retenue s’imposait souvent. Il n’y a donc pas de One sur ce quatorzième album, mais trop de chansons exaltées par déformation professionnelle, qui n’ont même plus la conviction, ou la naïveté, de jouer héroïque. La preuve : avec leur moral à plat, leur cœur grand ouvert, elles évoquent parfois un Coldplay en noir et blanc, The Verve sans trop de verve.
Chaussons et gros son
Du coup, U2 revient aux fondamentaux (même l’historique Steve Lillywhite fait partie des neuf producteurs enrôlés pendant les trois ans de chantier) et y retrouve même des jolis moments d’innocence, comme Love Is Bigger Than Anything In It’s Way, Summer of Love ou13 (There Is A Light). Ce qui, finalement, est déjà beaucoup demander à un groupe qui existe depuis 1976 – même si on espérait une crise de la quarantaine plutôt que les chaussons et les gros sons.
U2 – Songs Of Experience (Island/Barclay/Universal)
{"type":"Banniere-Basse"}