Enregistré entre Moscou et Berlin, ce nouvel album accueille les collaborations de rappeurs russes et de chanteuses familières (Martina Topley-Bird, Asia Argento, Francesca Belmonte…), pour donner la réplique à la voix rocailleuse de l’Anglais. Rencontre avec un vétéran du trip hop.
Pourquoi as-tu décidé de déménager à Berlin ?
Tricky – J’y habite depuis deux ans maintenant. Il y a un rythme très calme, très lent, sans le bruit des voitures. J’ai juste eu envie de vivre là-bas. Si je vis près de trop de gens que je connais, j’ai trop de distractions. Je préfère être seul.
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Dans quel état d’esprit as-tu composé Ununiform ?
Je venais de finir une tournée. Les chansons Obia et Wait for Signal ont environ sept ans. Quand j’entre en studio, je ne sais jamais quelle tournure ça va prendre. Tout ce que je savais, c’est qu’il n’y aurait pas plus de treize morceaux au final. Le son se crée tout seul.
Ça t’arrive de réécouter ta musique ?
Non, jamais. Si je réécoute Pre-Millenium Tension, Maxinquaye, ou Nearly God, je ne les reconnais pas. C’est comme si ce n’était pas ma musique, comme si je ne pouvais plus me reconnaître. Pas seulement dans les paroles, mais aussi dans les sonorités et l’ambiance. Dès que je sors un album, il ne m’appartient plus. Pour Ununiform, on me demande beaucoup d’interviews, presque autant que pour Maxinquaye, et dans plein de pays. C’est bizarre. C’est peut-être parce que ce nouvel album est un peu moins étouffant que les derniers. On vit une période assez sombre comme ça – je me suis dit que je n’allais pas en rajouter ! (rires)
Tu te sentais plus léger ?
Je n’étais plus sous pression. Ces dernières années, j’ai eu un problème d’impôts en Amérique et un mec m’a fait un procès pour me réclamer une grosse somme. Je n’ai jamais voulu être millionnaire. Je n’ai qu’un petit appartement, avec un petit studio dans un coin, pas de voiture… C’est la première fois de ma vie que j’ai été obligé de faire en sorte de gagner une certaine somme par an. Mes trois derniers albums ont payé tout ça. Pour Ununiform, j’ai pu prendre mon temps pour peaufiner comme je voulais. C’est la grande différence avec mes albums précédents.
Que recherches-tu quand tu composes ?
J’ai de la chance de ce côté-là. Hier, j’ai joué pour la première fois When We Die en live. C’est un morceau qui hante, à la fois sombre, magique et doux. Quand on écoute du vieux blues, comme Billie Holiday, on n’entend pas que de la musique : il y a quelque chose qui flotte dans l’air. C’est exactement cette énergie que je recherche, sinon la musique ne m’intéresse pas.
Comment vis-tu tes concerts ?
C’est un peu comme une méditation. On est là et ailleurs en même temps. Parfois, on part loin et puis on revient. On ne pense à rien, ni au passé ni au futur. On est simplement dans le moment présent.
Que penses-tu de ta voix ?
Je ne m’en occupe pas et je n’y pense pas. C’est étrange : c’est pourtant grâce à ma voix que j’ai fait de la musique. Je l’oublie souvent parce que c’était il y a très longtemps, mais l’une des raisons qui m’a fait décrocher un contrat avec une maison de disques, c’est le son de ma voix sur la chanson Aftermath. Je mets ma voix parce que je m’y sens un peu obligé pour faire mes propres albums.
Tu ne te vois jamais comme un chanteur ?
Non. J’aimerais pouvoir chanter comme Billie Holiday, ou Kate Bush. Voilà ce que j’appelle de vraies chanteuses.
Tes albums comportent toujours des voix féminines. Aimes-tu écrire du point de vue d’une femme ?
Je n’y pense pas vraiment. Ça arrive tout seul. J’ai été élevé par des femmes. Il n’y avait pas beaucoup d’hommes dans mon entourage quand j’étais petit. C’est peut-être pour ça.
Comment est née cette passion pour la musique pendant ton enfance ?
C’est la seule chose que je pouvais faire. C’était soit ça, soit un job que je n’aurais pas aimé. La musique a toujours été une partie importante de ma vie. Quand j’avais quinze ans, j’ai commencé à aller à des concerts de blues et de reggae, parfois dans des clubs illégaux. J’ai composé mes premières chansons quand j’avais quatorze ans. Tout s’est passé très vite. J’ai commencé à écrire, puis des gens m’ont proposé de mettre ma voix sur leurs chansons et j’ai eu un contrat avec un label. La musique est venue à moi, plutôt que l’inverse.
album Ununiform (False Idols/!K7)
concerts le 15 décembre à Paris (Elysée Montmartre) et le 16 à Strasbourg
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