Dans un parking, la parade amoureuse d’un faune et d’un motard. Performance associant Théo Mercier et François Chaignaud, l’irradiant ballet Radio Vinci Park entremêle désir sauvage et mythologie.
Foutoir intime d’un salon où trône un clavecin. C’est là que le public est rassemblé. Au milieu des livres, des piles de disques et de toutes ces babioles que l’on sauve du chaos du monde pour témoigner de la vaine richesse de notre existence.
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Le sas discret d’une simple porte métallique nous fait passer du purgatoire cosy à l’épique des enfers mécaniques et l’on goûte déjà l’odeur froide des gaz d’échappement. Ce fumet glace le sang et ravive des périls associés au plaisir.
Tous les regards convergent vers cette arène
Nous voici dans l’ailleurs oppressant de l’architecture d’un parking. Un dehors-dedans dédié à nos prothèses motorisées, un piège propre à révéler des penchants claustrophobes dans l’angoissante superposition de deux dalles de béton aptes à nous écraser.
C’est là que niche la bête, le centaure mécanique. Du casque à la combinaison de cuir noir, le pilote ne fait qu’un avec la puissante moto qu’il maintient en équilibre entre ses cuisses. Derrière la fine structure des barreaux de ces barrières de protection qu’on dispose dans les rues, nous voici parqués en cercle. Tous les regards convergent vers cette arène où les traces noires de la gomme laissée par les pneus sur le sol témoignent de la violence d’un cérémonial qui n’a rien d’une passade d’un soir.
En écho au clavecin de Marie-Pierre Brébant qui parcourt le répertoire baroque comme l’angoissante bande-son qu’on diffuse dans ces cryptes souterraines pour faire diversion à l’odeur de la pisse et oublier la peur de l’agression, voici le danseur François Chaignaud faisant son entrée en fendant la foule.
Courses folles jusqu’à l’accouplement fabuleux
Elfe blond à crinière bouclée perché sur de hauts talons, il fait face au monstre de métal et de cuir comme un fantasme incarné. Sa parade amoureuse provoque le réveil de l’animal chimérique. Sous la lueur froide des néons qui grésillent, ce ne sont plus qu’hurlements de cylindres en furie et crissements de pneus… Courses folles jusqu’à l’accouplement fabuleux des deux créatures.
Brute de décoffrage, la performance se passe de mots. Théo Mercier a trop d’humour pour ne pas s’amuser de cette battle où la sauvagerie du désir s’expose à son acmé. Proche de la visite d’un diorama imaginé à la taille du public, le spectacle pointe le factice derrière la débauche des signes réalistes pour mieux nous faire basculer dans sa fiction.
Digne des images oniriques d’un conte de Jean Cocteau et des troubles transgressions mécaniques invoquées dans Crash ! par J. G. Ballard, Radio Vinci Park conjugue la mythologie et la légende urbaine. La pureté limpide d’une fable érotique inoubliable.
Radio Vinci Park Conception et mise en scène Théo Mercier, chorégraphie François Chaignaud. Avec Marie-Pierre Brébant, François Chaignaud et Cyril Bourny, du 30 novembre au 2 décembre, Ménagerie de Verre, Paris XIe, dans le cadre du festival Les Inaccoutumés
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