Le réalisateur de Seven et Social Network se lance dans une ambitieuse série de fiction politique, House of Cards. Un événement en soi, doublé d’un autre : le projet est produit et sera diffusé par un site de VOD américain. Une grande première.
L’attente a été longue depuis le lancement du projet, au printemps 2011. Il aura fallu patienter deux ans pour qu’arrive le moment où David Fincher s’aventure concrètement du côté des séries. Ce sera le 1er février. Une première dans la carrière pourtant foisonnante du néo-quinqua, jadis réputé pour ses clips (Madonna, George Michael, Michael Jackson), devenu l’un des cinéastes les plus libres d’Hollywood. L’auteur de Social Network rejoint un mouvement lancé ces dernières années par d’autres figures du grand écran, attirées par l’essor créatif et financier des séries.
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Scorsese avait réalisé le premier épisode de Boardwalk Empire (HBO) en 2010, tandis que Gus Van Sant a posé sa marque subtile sur celui de Boss (Starz) en 2011. La liste ne s’arrête pas là, de Michael Mann à Alexander Payne. Avec House of Cards, Fincher s’attaque à un domaine neuf dans sa filmographie, celui de la fiction politique. Écrite par Beau Willimon, il s’agit de l’adaptation d’une minisérie britannique en quatre épisodes diffusée sur la BBC en 1990. Ce récit de l’ascension d’un politicien prêt à tout s’inspirait d’ouvrages écrits par Michael Dobbs, ancien député conservateur proche de Margaret Thatcher. Dobbs envisageait la politique comme un champ de bataille sanglant et shakespearien.
En vingt ans, rien n’a vraiment changé et cette nouvelle version ne s’annonce ni joyeuse ni optimiste. Le personnage principal, interprété par Kevin Spacey (également producteur et instigateur du projet), est un membre républicain du Congrès, manipulateur né, qui veut se faire élire à la Maison Blanche. Sur l’affiche, une main maculée de sang fait le V de la victoire juste à côté du drapeau américain. Le ton est donné. En explorant les coulisses amères de Washington, la série se veut une déconstruction méthodique de l’exercice du pouvoir, à l’image de la passionnante Boss, qui vient d’être annulée après dix-huit épisodes. Il est à peu près certain que House of Cards ne connaîtra pas un destin aussi funeste. Et ce n’est pas seulement parce que David Fincher en a réalisé les deux premiers épisodes et reste crédité ensuite comme producteur exécutif. Le vrai coup de force se trouve ailleurs. On peut résumer l’affaire en une phrase : cet événement, l’un des plus attendus de 2013 en termes de séries, n’aura pas lieu à la télévision. C’est en effet la puissante plate-forme internet américaine Netflix qui a remporté la mise, au nez et à la barbe des géants du câble comme HBO et Showtime, également intéressés.
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Ce géant de la VOD et du streaming, qui compte plus de vingt-cinq millions d’abonnés aux États-Unis, a mis beaucoup d’argent sur la table (environ 100 millions de dollars) et commandé directement deux saisons de treize épisodes chacune. Une pratique inédite qui pourrait bouleverser rapidement l’équilibre établi. Jusqu’ici, Netflix n’était qu’un gros tuyau proposant des abonnements illimités pour des séries ou des films fabriqués par d’autres. L’opérateur veut désormais s’imposer comme créateur de contenu. L’arrivée en force de cet acteur carnassier fait trembler les cadors de la télévision classique, déjà enragés par l’éclatement du public et la remise en question lente mais sûre de leur modèle économique.
Pour l’instant, ce tremblement de terre annoncé ne concerne pas la France, où Netflix n’ose pas encore mettre les pieds en raison des lois sur la chronologie des médias. En attendant de conquérir le monde (l’opérateur est déjà présent en Angleterre, en Amérique du Sud et en Europe du Nord), Netflix compte bien faire de 2013 l’année où tout le monde parlera de ses séries. En plus de House of Cards, la suite de la sitcom mythique Arrested Development, annulée par la chaîne Fox il y a cinq ans, arrive au printemps. Netflix avait commandé dix épisodes au créateur Mitchell Hurwitz, mais en diffusera finalement entre douze et quinze. Plus vite, plus haut, plus fort.
House of Cards à partir du 1er février sur Netflix
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