Alors que les démantèlements de camps de Roms s’enchaînent un peu partout en France, le gouvernement vient d’annoncer deux mesures visant à faciliter l’accès au travail pour cette population marginalisée. Mais un travail de rom, kezako ?
Voleurs de poules, mendiants estropiés et même, selon un récent tweet en forme de dérapage d’un militant UMP, « vermine » au teint « crasseux »… les clichés sur les Roms sont légions. Alors que les démantèlements de camps s’enchaînent sous Valls comme aux plus belles heures de Guéant et de la «sarkonnection », le gouvernement « normal » annonçait, le 22 août dernier, deux mesures censées faciliter l’accès au travail de cette population souvent cantonnée aux bidonvilles de bord de périf, système D et petite délinquance.
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Il s’agit en fait d’un allégement des mesures dites « transitoires », limitant jusqu’à fin 2013 l’accès au travail des citoyens roumains et bulgares, les deux nationalités de la majorité des Roms de l’hexagone. Par l’élargissement de la liste des métiers accessibles (150 métiers « en tension ») et par la suppression de la taxe (700 à 800 euros) due par l’employeur potentiel à l’office français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII). Une décision saluée par la Commission européenne, bien que Bruxelles espère la suppression pure et simple de l’ensemble des mesures « transitoires », et officialisée par la publication, le 26 août, d’une circulaire interministérielle «relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites», destinée à donner la nouvelle marche à suivre aux préfets.
Trouver un travail, mission impossible
Si tout citoyen de l’UE peut travailler en France sur simple présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité, Roumains, Bulgares et donc Roms sont soumis au même régime de contraintes que les étrangers non-européens, bien que leur deux pays soient membres de l’Union Européenne depuis 2007. Même avec la fin effective de la taxe à l’OFII, qui pouvait refroidir un employeur potentiel, le Rom désirant trouver un emploi en France doit d’abord obtenir un titre de séjour puis un permis de travail. Une démarche interminable allant de 6 à 8 mois au bout desquels le candidat se voit souvent adresser un simple refus.
Du côté des associations, on continue de demander l’abrogation de l’ensemble des mesures contraignantes. Pour Alexandre Leclève, membre du Collectif Romeurope, qui milite pour l’accès aux droits fondamentaux des Roms migrants en France, la situation est «Kafkaïenne, alors qu’un Français qui veut travailler à Bucarest n’a besoin que de sa carte d’identité. Il ne peut y avoir d’intégration de ces populations sans un plein accès à l’emploi». S’il salue l’initiative du gouvernement de placer la question Roms dans une logique de gestion interministérielle, et non exclusivement dévolue au ministère de l’Intérieur comme par le passé, le collectif attend que «les actes soient accomplis, car les trois démantèlements de camps de ces derniers jours donnent un goût amer à cette annonce».
Seule issue, l’accompagnement…
Grâce au travail des associations sur le terrain, il existe certaines (rares) solutions, au cas par cas. À Lille, par exemple, l’association La Pierre Blanche, suit cinq familles Roms jours après jours. 40 personnes, logées dans une ancienne école aménagée. Les enfants sont, pour la plupart, scolarisés et l’asso’ est en contact régulier avec leurs écoles et collèges. Mais surtout, elle leur permet d’obtenir un petit revenu et une activité grâce à «l’atelier bois». Hommes et femmes transforment des palettes en bois de chauffage, conditionné par sacs, repris et revendus par Emmaüs. Sur chacun des 1000 sacs vendus chaque mois en moyenne (sauf juillet et août), trois euros sont reversés aux cinq familles, soit un revenu d’environ 600 euros. Mais l’association va plus loin, comme nous l’explique sa présidente, Martine Puzin :
« Depuis l’année dernière nous avons inscrit à la chambre de commerce deux membres de la communauté qui avait une qualification de ferrailleurs. Ils ont donc l’autorisation provisoire d’être marchand ambulant, en tant qu’auto-entrepreneurs. Depuis cette année, ils payent leurs impôts à l’Etat français ».
Que représente ce travail pour eux ? « C’est une condition pour rester en France. Ils n’espèrent qu’une chose : s’intégrer. Ce travail leur redonne une dignité ».
… Ou l’exemplarité ?
Le cas de Christina Dimitru est unique. Cette jeune Rom de 19 ans débarque en France, à Nantes, en 2005. Pendant deux ans, avec ses parents et un petit frère malade, elle vit dans une caravane sur un terrain vague, sans eau ni électricité. Elle ne parle pas un mot de Français avant d’intégrer une classe spéciale pour enfants d’immigrés. Vient ensuite le collège public puis un CAP Pressing. Le 29 mars 2012, elle reçoit la médaille d’or des meilleurs apprentis de France en métiers du Pressing, sous les ors du Sénat… Alors qu’elle est en situation irrégulière. L’histoire est belle et les médias s’en emparent. Le lendemain, la préfecture lui délivre un récépissé de trois mois, dans l’attente d’une carte de séjour d’un an renouvelable. En France, on t’aime ou tu nous quittes ?
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