L’actrice Joana Preiss fouille ses archives privées dans le beau journal d’une séparation.
En un peu moins de dix ans, le temps qu’il a fallu pour imprimer
au cinéma français sa voix brisée et son allure de fée destroy, Joana Preiss aura été tout à la fois chanteuse d’un rock désaccordé dans le duo White Tahina, modèle pour la photographe Nan Goldin et plus ou moins secrètement actrice, chez Christophe Honoré ou Olivier Assayas.
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C’est en tant que réalisatrice qu’elle nous revient avec le beau Sibérie, son premier film home-made très autobiographique tourné avec le cinéaste Bruno Dumont, son mec de l’époque.
Munis de caméras DV, qui donnent au film une patine un peu crade et une humeur brumeuse de circonstance, ils ont embarqué tous les deux dans le Transsibérien, filmant leur voyage sans (presque) rien omettre de leur quotidien – des détails les plus prosaïques aux plus secrets.
Enfermés dans leur cabine, comme exclus de tout signe de vie extérieure, les deux amants y enregistrent leurs conversations (sur le cinéma, la création ou le sexe), dont on se dit que la naïveté doit autant à l’ivresse des premiers jours amoureux qu’aux litres de vodka absorbés.
Puis le couple se déchire, lentement, à mesure que les paysages défilent.
Sibérie, que l’on imaginait carnet de route, devient alors le bouleversant journal d’une rupture, saisi du seul point de vue de Joana Preiss (Bruno Dumont n’ayant pas participé au montage).
Car tout, ici, est question de point de vue : en recomposant à sa volonté les images privées de cette passion révolue, l’actrice a imaginé une fiction intime à partir de son expérience, elle a ouvert des brèches dans son passé, elle s’est écrit un rôle, peut-être pas conforme à la réalité mais dicté par son désir.
Elle est devenue cinéaste.
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