Alain Guiraudie ou l’aventure de l’outsider de Gaillac (Sud-Ouest), devenu l’homme dont on parle à ce Festival de Cannes. Bien sûr, il y a la dégaine : garde-robe multicolore, houpette décolorée entre Tintin et les Straycats, accent à couper au couteau. Surtout, il y a un cinéma s’imposant sur la Croisette comme une évidence. Né […]
Alain Guiraudie ou l’aventure de l’outsider de Gaillac (Sud-Ouest), devenu l’homme dont on parle à ce Festival de Cannes. Bien sûr, il y a la dégaine : garde-robe multicolore, houpette décolorée entre Tintin et les Straycats, accent à couper au couteau. Surtout, il y a un cinéma s’imposant sur la Croisette comme une évidence.
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Né de parents paysans et ouvriers, pour qui « devenir facteur aurait déjà été une promotion sociale », Guiraudie filme ce qu’il connaît : le monde prolétaire, la province, le tout dans une démarche militante. « Pour ce film, je suis parti de deux idées qui me taraudaient. D’abord, filmer l’homosexualité en milieu rural, ce que j’appelle ma « prolo-pride. » J’en avais marre de ces représentations de l’homosexualité associée à un seul quartier parisien et à un seul milieu social, plutôt aisé. Pour des gens comme mes parents, un homo gagne forcément plus de 10 000 F par mois. Moi, je crois moins au clivage homo/hétéro qu’à la lutte des classes. »
Un discours qui tombe sous le sens, mais on précisera néanmoins que si Guiraudie peut proposer aujourd’hui une autre image de l’homosexualité, c’est précisément que la précédente, certes réductrice, a pu émerger. « Et ma deuxième idée forte, c’est filmer la fin d’un certain monde ouvrier à travers les paysages postindustriels qui me touchent tant. Ces cathédrales abandonnées, on ne peut rêver plus beau décor. »
Un monde ouvrier que Guiraudie a côtoyé de près. « Je l’ai même mythifié. Pour moi, c’était eux qui allaient changer le monde : ils y avaient directement
intérêt ! A l’usage, je suis un peu retombé de mon nuage. La fameuse solidarité ouvrière, mon cul. Ils sont aussi individualistes que les autres. » Et ainsi, le discours du film épouse le parcours d’un Guiraudie revenu de bien des utopies collectives des années 70, fracassées sur l’autel des années Mitterrand. « J’ai beaucoup participé au mouvement social de 1995 et à un moment je me suis retrouvé comme un con : quel programme politique digne de ce nom peut-on pondre pour tous les mal-lotis du libéralisme triomphant ? En fait, j’en suis venu à un principe de réalité plus modeste : colmater les brèches. »
Avec le succès cannois, on constate que l’intuition de Guiraudie s’est vérifiée dans l’air du temps : il était urgent que quelqu’un filme le monde ouvrier dans sa réalité d’aujourd’hui, mais aussi l’homosexualité autrement que dans des représentations publicitaires. Sans une once d’antiparisianisme primaire, Alain va continuer à travailler à Gaillac, avec désormais comme horizon « le cap du long métrage ». On sera au rendez-vous.
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