Un certain regard. Encore plus que les autres, les films de Jacques Doillon ont toujours été à prendre ou à laisser, le “pas mal” prudent ne pouvant s’appliquer à ces drôles d’objets, ces bulles psychodramatiques à l’artificialité si revendiquée qu’elle décourage leurs contempteurs, après les avoir irrités au-delà du supportable. Mais on les oublie d’autant […]
Un certain regard. Encore plus que les autres, les films de Jacques Doillon ont toujours été à prendre ou à laisser, le « pas mal » prudent ne pouvant s’appliquer à ces drôles d’objets, ces bulles psychodramatiques à l’artificialité si revendiquée qu’elle décourage leurs contempteurs, après les avoir irrités au-delà du supportable. Mais on les oublie d’autant plus vite : c’est démoralisant.
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Cette fois, selon la logique infernale qui veut qu’aucun âge et aucun milieu n’échappent au « trafic des sentiments » à la sauce Doillon, notre cinéaste s’intéresse aux « djeunes » d’aujourd’hui, à ceux qui font des études à Censier comme à ceux qui dealent à ces fils à papa. L’image est sale, le grain est gros, un vague côté « amateur », et le langage résolument contemporain, manière de prouver que Doillon les connaît bien, ces fameux « djeunes », même que c’est sa fille Lou qui fait l’héroïne.
Au début, ça passe, certes difficilement, mais bon… peut-être parce que la familiarité brute des rues et des immeubles de Paris contraste avec la logorrhée doillonnesque, faite de tchatche ado et de poussées précieuses. Mais ça se gâte irrémédiablement quand les personnages principaux et leurs comparses s’enferment dans une suite d’hôtel chic (le Nikko, sauf erreur) pour jouer à un film de Doillon avec les larmes, crises de nerfs et bastons sentimentales et physiques de rigueur.
Au niveau des intentions lourdes, c’est parfait, tout le monde comprenant que le trafic amoureux et le trafic de came s’entremêlent et se répondent pour ne faire qu’un, entre les gosses de riches arnaqueurs et leurs fournisseurs moins bien lotis et guère décidés à se laisser faire. Tout ce petit monde s’embrouille avec une belle ardeur, sans jamais se lasser, sans qu’on comprenne jamais pourquoi au juste : c’est épuisant. Et d’un ennui mortel pour qui ne goûte pas ces assez dérisoires tentatives doillonnissimes de faire quelque chose comme du Marivaux d’ici et maintenant.
Pour ne pas désespérer les derniers fans, reconnaissons quand même la curieuse et paradoxale alchimie entre le côté « plaqué Doillon » de la chose, comme on dit « plaqué or », et l’excellence des comédiens, tous remarquables, le cinéaste ayant le talent de servir avec générosité ceux qui le suivent dans ces aventures sans issue, effroyablement routinières, caricatures d’un catalogue d’auteur à la française, sans doute trop vieux pour changer ses tics et ses obsessions, juste capable de les déplacer. Sa seule vraie audace est de ne même pas essayer de donner le change. Il y a une certaine grandeur dans une si belle constance.
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Lou Doillon actrice dans Carrément à l’ouest
Elle n’attend pas les questions pour commencer à parler et a beaucoup de choses à dire. On admet donc assez vite qu’elle est l’actrice idéale du cinéma de son père, réputé « bavard ».
D’abord, elle raconte comment elle s’est démenée pour se construire une identité au sein d’une famille « people » : sa mère Jane Birkin, son père Jacques Doillon, ses demi-s’urs Kate Barry et Charlotte Gainsbourg, leurs pères à elles, etc. Puis sa défiance vis-à-vis de ce métier : « Tu as 6 ans, ta mère te dit qu’elle va t’acheter une robe, mais sur le chemin, elle signe vingt autographes et à l’arrivée, le magasin est fermé… »
Puis la proposition de son père alors qu’elle atteint l’âge canonique de 10 ans de la faire tourner dans Le Jeune Werther : « En plus, c’est ma mère qui m’avait fait apprendre mon texte. Tout ça était tellement lourd que le premier jour du tournage, je n’ai pas pu sortir un mot, manière de montrer à tout le monde que je ne voulais pas faire ce métier-là. » Et pourtant, quand elle apprend que, dans Trop peu d’amour, il y a un rôle pour une fille de son âge, Lou se précipite au casting. Quelques films plus tard, elle considère que ce métier est « idéal pour canaliser (son) énergie ». Il en faut sans doute beaucoup pour tourner avec Jacques Doillon, qui fait jusqu’à cent prises d’une même scène.
Aujourd’hui, la SARL Lou Doillon, 19 ans d’âge, se diversifie : après quelques photos et défilés, elle vient de signer un gros contrat avec Givenchy. « Outre le confort financier, ce qui est très agréable avec le mannequinat, c’est que ça évacue la question d’être jolie dans le travail de comédienne. (…) Tu acceptes d’autant mieux d’être laide si le rôle le veut. » Elle va plus loin : « Sur mon composite, il y a écrit Lou tout court, sans mon nom de famille. (…) C’était la première fois qu’on me sollicitait pour moi, et pas pour ce que je représente. »
D’ailleurs, elle vient de tourner pour France 2 la série télé Nana sous la direction d’Edouard Molinaro. « J’avais beaucoup de réticences sur la télé, mais si on chope dans le dico la définition de l’intelligence, c’est la capacité d’adaptation. » Lou Doillon rime effectivement avec adaptation (à Cannes notamment), mais aussi avec ambition : « Je suis la première de ma famille dont la carrière peut s’étendre dans le monde entier. »
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