Quinzaine des réalisateurs.Est-ce du lard ou du cochon, se demande-t-on, avant d’ajouter : pince-moi, je rêve… Pourquoi ? Tout simplement en raison du parti pris paradoxalissime de ce film. Imaginez un banlieue-film tout à fait idoine, hormis un traitement particulier sur l’image qui a pour effet de légèrement figer les personnages images suréclairées, d’où […]
Quinzaine des réalisateurs.
Est-ce du lard ou du cochon, se demande-t-on, avant d’ajouter : pince-moi, je rêve… Pourquoi ? Tout simplement en raison du parti pris paradoxalissime de ce film. Imaginez un banlieue-film tout à fait idoine, hormis un traitement particulier sur l’image qui a pour effet de légèrement figer les personnages images suréclairées, d’où toute zone d’ombre semble volontairement bannie.
Gwenaëlle et Angéla sont des adolescentes comme les autres, vivant à Colombes, avec leur lot de difficultés : frère sortant de prison, familles éclatées, père malade à l’hôpital. La brune prend en charge sa famille, gère les activités domestiques avec une mauvaise grâce revêche, brutale.
Rien qui ne soit très habituel, mille fois vu. Mais une fois cette situation posée par petites touches sèches, le film part aux antipodes des sentiers balisés. Les deux copines fréquentent un Centre de jeunesse où des adolescents travaillent sur des projets socio-artistiques personnels. Férues de photo, les deux amies proposent un tour de France pour répertorier les cités et autres HLM situés en pleine campagne. Leur projet retenu, Gwen et Angéla partent en vadrouille à travers la France, qu’elles découvrent avec un insatiable émerveillement. Et, totalement vierges, au propre comme au figuré, elles vont accomplir un parcours à l’exact opposé des héroïnes de Baise-moi.
Au lieu de connaître la galère ou des personnes malsaines, de trucider tout ce qui bouge, elles se lient d’amitié avec tous ceux qu’elles photographient (interprétés par des gens rencontrés lors du tournage). C’est irréel, mais pourquoi pas… D’autant plus que, si les situations sont franchement optimistes, voire idylliques, le film possède d’indéniables qualités documentaires.
Il aura fallu une certaine dose de culot à la réalisatrice, Zaïda Ghorab-Volta, pour prendre le contre-pied des discours et clichés, y compris en forçant le trait sur la béatitude. Parfois, on aurait bien envie de ricaner, surtout quand les jouvencelles se font héberger en tout bien tout honneur par trois jeunes et beaux garçons qui vivent en ermites hédonistes dans une belle maison pyrénéenne. Une intrigue amoureuse se dessine bien sûr, mais avec une telle délicatesse qu’on ne peut y croire.
Mais, à notre corps défendant, hormis quelques scènes qui frôlent la niaiserie, le film finit par convaincre. Est-ce la force du réel (paysages et gens) dans lequel ce road-movie se déroule, est-ce la contagieuse sincérité des interprètes principales ? Mystère. On ne peut tout de même pas soupçonner le film de second degré, même pas quand les gentilles filles dansent avec les gentils garçons à la fête du village sur un air de C. Jérôme. Notre adhésion au film provient-elle de notre stupéfaction en découvrant que, contrairement à la légende, le bonheur peut être filmé ? Ou tout bêtement que, plongé dans ce monde de vulgarité cannoise, on se découvre une âme fleur bleue ?