Il y a d’abord cette première erreur vénielle, souvent imputable au fan intégriste armé d’une foi aveugle qui consisterait à sanctifier béatement Jack Frost, au simple motif que ce patronyme hivernal dissimule Steve Kilbey et Grant McLennan, soit deux très grands orphelins de The Church en perdition et de Go-Betweens officiellement décédés […]
Il y a d’abord cette première erreur vénielle, souvent imputable au fan intégriste armé d’une foi aveugle qui consisterait à sanctifier béatement Jack Frost, au simple motif que ce patronyme hivernal dissimule Steve Kilbey et Grant McLennan, soit deux très grands orphelins de The Church en perdition et de Go-Betweens officiellement décédés regrets éternels. L’autre bévue triste apanage de l’amoureux éternellement désenchanté serait à l’inverse de jouer les sceptiques blasés et de n’envisager en ce tandem que le caprice mondain de deux enfants trop gâtés par la musique : Snow job en décevante pochade de studio, collection vulgaire de brouillons de chansons hâtivement gribouillés sur un coin de console. Forcément, la vérité de cet album en demi-teintes rôde quelque part entre les deux assertions. Ni tout blanc ni tout noir, Snow job, mais grisâtre, comme peut l’être la neige ancienne, prisonnière de la brume glacée, qui ne se décide pas à fondre. Ce qui frappe le plus ici, c’est l’apparente incongruité qu’il y a à faire se télescoper sur disque deux caractères aussi diamétralement antagonistes sur le papier. Entre le psychédélisme opaque et mystique de Kilbey et le folk de bois tendre de McLennan, entre la nonchalance lunaire de l’un et la rigueur terrienne de l’autre, l’abîme semble a priori insondable. L’intérêt unique de ce projet autrement dénué du moindre enjeu qui se souvient du terne premier album de Jack Frost ? réside justement dans l’enthousiasme pourtant très relatif que les deux Australiens emploient à se rejoindre. La pop de Jack Frost, d’une réjouissante bâtardise, se contrefout des lois de la nature. Ici, les Byrds sont glamour et T. Rex joue de la Rickenbaker douze-cordes sous le regard envapé d’un Pink Floyd gentiment déconnecté. Mais le duo, le rouge aux pommettes, finit par si bien refréner ses ardeurs que jamais la rencontre ne génère l’hybride monstrueux tant attendu, la chanson hors critères qu’on serait légitimement en droit d’espérer de tels songwriters. Reste alors, comme singulier viatique à ce disque élégamment débraillé, le lancinant parfum de mélancolie qui s’attache irrémédiablement aux plus belles occasions manquées.
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