Le groupe espagnol a mis dans ce deuxième album trop de minutie, perdant ainsi tout l’élan du premier. Puisqu’une lointaine statistique a décidé que deux obus ne pouvaient tomber au même endroit, par quelle grâce un miracle pourrait-il intéresser deux fois les mêmes individus ? De Rumba Argelina, premier album de la formation madrilène Radio […]
Le groupe espagnol a mis dans ce deuxième album trop de minutie, perdant ainsi tout l’élan du premier.
Puisqu’une lointaine statistique a décidé que deux obus ne pouvaient tomber au même endroit, par quelle grâce un miracle pourrait-il intéresser deux fois les mêmes individus ? De Rumba Argelina, premier album de la formation madrilène Radio Tarifa, on a vanté le caractère dépaysant, reconnu sur ses plages, où se mêlaient les sables raffinés d’Espagne et du Maghreb, le pouvoir singulier d’élaborer des lointains dispensés de toute retape touristique, affranchis des clichés exotiques que la world-music héberge avec une nocive bienveillance. Mais le voyage est un art difficile dont la réussite relève moins de la minutie avec laquelle on prépare son bagage et son itinéraire que des mystérieuses dispositions célestes qui vont en accompagner le déroulement. Ainsi les alizés se montrèrent, précédemment, d’une telle prodigalité que l’esquif barré par Raphael Sanchez Duenas s’en alla cingler sur les hautes mers de l’inédit et de l’enchantement. Grande était la promesse de reprendre l’odyssée là où Rumba Argelina l’avait laissée. Et la déconvenue ne l’est pas moins. Si le parti pris musical demeure inchangé, savant mélange de flamenco, de fantaisies arabes et de hiératiques mélopées médiévales, si les musiciens persistent dans leur fidélité à une instrumentation essentiellement traditionnelle, avec une gourmande utilisation du nay, flûte des anciens Egyptiens aux envoûtantes sonorités, de l’oud et de la cromorne, Temporal a le vilain défaut de ne jamais pouvoir échapper à un certain formalisme. Comble d’infortune pour un dessein artistique agrippé à l’idée de chevauchement, géographique et culturel. Percent dans de nombreux morceaux, parmi lesquels Soleà, une rigidité et une orthodoxie aux antipodes du byzantinisme élégant de son prédécesseur. A croire que le naturel aurait repris le dessus chez Fain S. Duenas, cet ancien musicologue d’Ars Nova Musicalis dont on retrouve les intentions pédagogiques sur un Conductus datant du xiiie siècle français, et qui avouait à l’époque de Rumba Argelina avoir lutté ferme contre un penchant professoral prompt à étouffer l’émotion. Saluons toutefois la présence de La Tarara, chanson redécouverte par García Lorca dans les années 20, qui tout en atténuant la décevante impression que laisse l’ensemble, renoue avec le mystère d’un art musical auquel on reste disposé, malgré tout, à prêter de nouveau l’oreille.