Afin de ne pas contrarier Geoffrey Farina que certaine comparaison récurrente hérisse et que l’on pressent peu enclin à la compassion , on s’abstiendra de citer à comparaître à la barre de cette chronique un témoin pourtant essentiel. A titre indicatif, on glissera seulement que son nom commence par “Fu” et finit par “Zi” […]
Afin de ne pas contrarier Geoffrey Farina que certaine comparaison récurrente hérisse et que l’on pressent peu enclin à la compassion , on s’abstiendra de citer à comparaître à la barre de cette chronique un témoin pourtant essentiel. A titre indicatif, on glissera seulement que son nom commence par « Fu » et finit par « Zi » et que ses morceaux claquent de facto comme de clouantes détonations. Ce n’est certes pas desservir notre client que d’agir ainsi, tant il appert d’un examen scrupuleux des faits qu’il se défend très bien tout seul, garde haute et frappe sèche, rouant de coups le sparring-listener qui termine rétamé sur le tatami, absolument groggy de plaisir. Démolissons d’emblée le panneau où certains, aiguillés par cette description musclée, risqueraient de tomber : agile et élégant, souple et discret, Karaté n’a rien de commun avec ces pénibles brutes au front bas et aux idées courtes qui tapent là où ça fait mâle et mobilisent les foules. Ni gonflette gonflante ni accablant concours de beats. A l’extrême inverse, Farina et ses acolytes pratiquent une musique à fleur de nerfs, émaciée et tendue, balançant et roulant entre cris étranglés et chuchotements. Encore peu recommandable aux amateurs d’air pur et de grands espaces, In place of real insight s’avère cependant un zeste moins claustrophobe que son déjà remarquable prédécesseur paru l’an dernier, comme si quelque âme charitable avait entrouvert l’huis, jadis clos à triple tour, de leur studio d’enregistrement. Grisé par cette légère bouffée d’oxygène, le groupe prend même un brusque virage pop (l’imparable New martini ) un de ces virages à la corde dont on fait les plus belles pendaisons. Peu bavardes, archi-chiches en coups de théâtre et autres effets de manche, les neuf histoires contenues ici figurent parmi les plus captivantes entendues depuis le début de l’année. Say something stupid like « it’s OK » : au détour d’un couplet joliment acerbe, Karaté révèle de surcroît une faconde plutôt gironde. D’où vient au juste que ces pierres taillées dans un rock dur et anguleux, aussi physique qu’il est quasi aphasique, nous percutent avec une telle intensité, déclenchant de violentes commotions et d’inextinguibles palpitations ? A dire vrai, on se fiche bien de connaître la clé d’une telle énigme. Seule nous anime l’impérieuse nécessité de retourner l’explorer.