« Il serait temps de créer une synergie entre les lieux d’art contemporain à Paris » explique Alfred Pacquement, à six mois de sa prise de fonction à la tête du musée national d’art moderne au centre Pompidou. Toujours directeur de l’école nationale des beaux-arts de Paris, il évoque le rôle crucial de Beaubourg, les enjeux à venir ainsi que les failles de la situation française.
Quelle est la spécificité du centre Pompidou ?
Je connais bien le centre, j y ai travaillé jusqu’en 87. Le musée national d’art moderne est un outil extrêmement important, parce qu’il possède la plus grande collection d’art moderne et contemporain en Europe, dans le cadre d’un centre lui-même extrêmement visible de par son histoire et son architecture. Ce musée a la chance de pouvoir donner des impulsions qui peuvent contribuer à la visibilité de ce qui se passe en France. Par sa collection, ses prêts et ses dépôts, le centre Pompidou est une plaque tournante.
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Quel est aujourd’hui le rôle d’un musée d’art contemporain ?
Les artistes attendent du musée d’être l’accompagnateur, le complice de leur travail. Le musée peut aussi agir en dehors de ses murs. C’est un outil d’éducation probablement irremplaçable. Il joue un rôle éducatif incontestable. Quant au défrichage, personne n’en a l’exclusivité. C’est plus une question d’adéquation à son époque et de savoir répondre en temps réel aux attentes des artistes, et à ce que le public a le droit de voir de façon immédiate, plus qu’une course à la découverte de l’artiste, qui me paraît un petit peu vaine. C’est un travail collectif – des galeries, des critiques, des collectionneurs’- et pas celui d’une institution en particulier.
Mais n’est-ce pas aussi le rôle de l’institution de montrer l’art en train de se produire ?
C’est le rôle de l’institution, mais pas de la façon caricaturale que pourrait laisser supposer le fait de coller à l’événement. Il y a effectivement une sorte d’adéquation à trouver entre l’actualité d’un travail et le délai nécessaire pour le montrer. Nous allons essayer de mieux faire.
À Londres, la Tate Gallery est sur le point d’ouvrir un nouvel espace, gigantesque, consacré au XXe siècle. Comment réagir face à cette concurrence ?
Il va falloir se battre. C’est vrai que la Tate va représenter, à trois heures de Paris, un concurrent, un contrepoint tout à fait direct à la collection du centre Pompidou. Ça va être très enrichissant et intéressant de coexister pas loin l’un de l’autre, mais quelque fois, sur telle acquisition, telle exposition, il y a aura concurrence.
Le fait que Paris ait aujourd’hui plusieurs espaces consacrés à l’art contemporain, le musée d’art moderne de la ville de Paris, le Jeu de Paume ou le CNP, entraîne aussi une émulation qu’il faut voir comme quelque chose de positif.
Même si on peut se heurter, se concurrencer sur les mêmes projets, il y a de quoi faire, pour chacun. Et le centre de la jeune création qui s’ouvrira à l’automne prochain au palais de Tokyo sera un interlocuteur de plus. Il faudra en tenir compte dans la politique des uns et des autres. Ça ne veut pas dire qu’on va se découper le territoire de l’art en tranches : il y a place pour chacun, et chacun doit être en cohérence avec sa mission. Je me réjouis d’avoir Nicolas Bourriaud et Jérôme Sans (le duo responsable de ce nouveau lieu) comme interlocuteurs. Et peut-être que le moment venu, il y aura des projets qu’on pourra faire en complémentarité. Je le souhaite en tout cas. Avec les trois autres aussi. Il serait temps de penser à créer une synergie à Paris. On a tous intérêt à se tenir les coudes et à être bien complémentaires pour que Paris soit l’une des villes en Europe, et dans le monde, où un visiteur étranger, un collectionneur, un artiste, aura envie de venir, envie d’exposer. Nous disposons de tous les atouts. Je pense que nous pouvons y arriver.
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