C’est en Chine que Jean-Luc Courcoult, metteur en scène de la troupe Royal de Luxe, poursuit l’aventure démarrée voici cinq ans dans un village du Cameroun (Petits contes nègres), en réunissant des acteurs africains, chinois et français pour préparer dans le village de Guan Cun Petits contes chinois revus et corrigés par les nègres, spectacle qui sera créé le 21 septembre à La Villette.
Samedi 26 mai
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Pour le public de Jiao Kou, l’installation de l’équipe sur un terre-plein central face à l’école, la mise en place du décor qui nécessite de creuser la terre pour installer les « effets spéciaux », les déambulations des artistes et des techniciens, sont déjà du spectacle. Deux jours de suite, ils resteront assis des heures sous le soleil à attendre le début des festivités. Le passage de l’Afrique à la Chine se joue en quelques scènes d’ouverture, où l’on voit un roi africain tyrannique exiger de son peuple toujours plus d’applaudissements, jusqu’au jour où il reçoit de Chine une merveilleuse machine à applaudir ainsi qu’une invitation à se rendre au pays du Soleil Levant. Dans une région et à une époque où les croyances restent cachées, la scène des sorciers d’Afrique, jouée par deux comédiens français, Didier Gallot-Lavallée, vétéran du Royal, et Anne-Marie Vennel, épate visiblement le public. Il faut dire que leur costume fait grand effet avec leur enfilade de poulets vivants accrochés sur leur torse et posés sur leur crâne ! Précisons d’ailleurs que Royal de Luxe aura évité une escorte de quatre policiers en civil lors de son séjour à Guan Cun en acceptant, par contrat, de ne pas conduire sur les pistes ? des chauffeurs les accompagnent toujours ? et en ne faisant pas de propagande religieuse. « Ça tombe bien, on ne croit à rien, leur ai-je rétorqué« , rigole encore Jean-Luc Courcoult.
S’il avait envisagé une scène sur Mao Zedong, il y a vite renoncé devant la réticence des comédiens. C’est une question de bienséance, remarque-t-il. Toute cette histoire récente sortira dans un certain temps, mais ce n’est pas le moment.
Par contre, l’histoire de l’armée enterrée retrouvée à Xi an par un paysan qui retournait sa terre en 1972, sera utilisée. D’ores et déjà, l’un des moments forts du spectacle est le récit fait par le comédien Yuan Jin d’un enfant vendu par son père comme eunuque à la Cité Interdite, après lui avoir tranché « ce qui sert à faire des enfants ». Jeu sobre, costume lumineux dû à Catherine Oliveira, il dit son texte en chinois en se tenant bien droit, tandis qu’un acteur du Royal le traduit en français. La souffrance et l’humiliation dont il témoigne, il la connaît, l’a vécue lors de la Révolution Culturelle lorsqu’il s’est retrouvé, à 15 ans, arraché à sa famille installée à Xi an (son père est pianiste, sa mère médecin) pour quatre années de travaux forcés, durant lesquelles il doit « aplatir une montagne ». Il nous racontera comment, après l’avoir provoqué, les gens du village l’ont élu chef du village, ce qui lui a permis de bénéficier de permissions. Retournant ainsi à Xi an, il lit dans un journal que le Théâtre National de la ville lance un concours pour engager comédiens et techniciens. 10 000 volontaires se présentent : il sera reçu et pourra ainsi quitter le village : « A mon départ, les habitants m ont donné un lopin de terre et une maison où je peux aller quand je veux. J y ai gardé mes outils. » La distance, la volonté de « ne pas perdre la face« , élément essentiel du comportement social chinois, donnent toute sa densité à la scène. Elle est représentative des limites que Jean-Luc Courcoult a décidé de ne pas franchir.
Copyright photos : Jordi Bover
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