Musicien, DJ
La musique a-t-elle toujours été importante dans ta vie ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Oui, et sans doute bien avant ma naissance. Mes parents écoutaient plein de choses différentes, beaucoup de blues, de soul. J’ai grandi avec la Motown et James Brown a dû bercer ma conception. Il y a toujours eu de la musique dans ma vie. Je me rappelle qu’à l’école, pendant un cours de chant, notre prof nous avait fait reprendre du Michael Jackson !
Detroit est connu pour avoir abrité la Motown, les pionniers de la techno comme toi mais aussi le rock dur d’Iggy Pop ou du MC5.
Oui, cette influence rock’n’roll a été prépondérante. Les enfants des rockers de Detroit ont découvert la musique industrielle puis enfanté la techno. J’ai été très rapidement conditionné à tout écouter. N’importe quel style pouvait se révéler intéressant. Il n’y a pas d’autre ville comme Detroit sur la planète. Nous regardons toujours en arrière pour ne pas oublier l’histoire.
Tu sembles inspiré par l’art en général…
Plus directement, ce sont mes impressions face à l’art qui m’inspirent. Par exemple, si je regarde un tableau de Jackson Pollock, c’est de mon interprétation que je vais tirer un sentiment, une idée. Si j’ai de la chance, je trouverai la bonne traduction pour transmettre ce sentiment de mon cerveau jusqu’à mes machines. Pour moi, la musique est un véhicule, c’est comme un morceau de papier. Je suis un amateur enthousiaste d’art minimal et également un petit collectionneur. Je possède des peintures et sculptures, quelques uvres de Mark Rothko. Quand l’art est réduit au minimum, j’atteins une certaine sérénité. J’ai toujours trouvé rafraîchissant l’idée de commencer le travail de composition à partir de rien. Quand je vivais à Berlin, il y a sept ans, j’avais un appartement sans aucun meuble, je ne possédais qu’un lit. J’étais très excité par l’idée de me passer de tout, de ne rien acheter. J’apprécie également la symétrie et la beauté de simples couleurs. Pour la pochette d’un précédent disque, j’avais demandé à mes fans quelles étaient, selon eux, les couleurs qui représentaient la vie.
La littérature t’influence-t-elle ?
Beaucoup moins que le cinéma. Même si récemment j’ai enregistré un album basé sur La Machine à explorer le temps de H. G. Wells. J’ai pris une partie de l’histoire et j’ai extrapolé pour obtenir une intrigue originale. La musique commence lorsque le personnage principal sort de la machine et l’auditeur doit comprendre uniquement ce qui se passe grâce aux notes. A côté de cela, je suis un gros consommateur de films. Pendant longtemps je me suis rendu au cinéma de manière presque religieuse. Pour regarder le film en premier lieu, mais aussi pour assimiler la manière dont la musique est utilisée, traduit des émotions, sert, finalement, de langage.
L’année dernière, tu as composé une bande originale pour le Metropolis de Fritz Lang. Qu’est-ce qui t’attirait dans ce projet ?
C’est un grand film qui reste intemporel, son sujet ne vieillit pas. En écrivant cette BO, je voulais non seulement attirer l’attention des jeunes générations sur cette uvre, mais également sortir la techno de son contexte, qu’elle soit acceptée dans les cinémas. J’ai toujours su que la techno pouvait connaître des applications diverses, comme par exemple la science ou l’hypnose. Pour revenir au cinéma, j’aime surtout les films qui désorientent le spectateur, l’emmènent très loin dans le futur ou le passé. Des films comme 2001 : l’odyssée de l’espace ou La Planète des singes t’amènent à vivre des situations inconcevables. Ils ont sans doute été des moteurs dans ma carrière, je suis sûr que certains sont responsables de ma vocation. D’ailleurs, certains souvenirs de cinéphile me reviennent souvent à l’esprit quand je suis en studio.
Te lancer toi-même dans la fiction te tente-t-il ?
Oui. Actuellement, je mets la dernière touche à Clone, un disque très fictionnel. Je ne peux presque rien en dévoiler… si ce n’est qu’il risque de provoquer un effet comparable à celui créé par Le Projet Blair Witch. Tu ne sauras pas démêler le vrai du faux. Cela constitue un gros challenge, tu dois dépasser le cadre de la musique pour toucher à la psychologie. Cela s’apparentera à ces disques qui, enfant, te racontaient des contes, des histoires. Le script et les dialogues sont finis, quelques-uns des acteurs choisis. Sans doute que personne ne l’achètera parce que tu ne trouveras pas dessus de morceaux pour faire danser les gens. La musique est reléguée en fond sonore, les dialogues sont prédominants. Cela reste une entreprise intéressante, une autre manière d’utiliser la techno. Qui a dit que la techno devait seulement se cantonner à la musique ? Moi, je ne veux pas être limité. Je n’essaie pas d’échapper à l’univers de la dance-music, juste de me concentrer sur mes centres d’intérêt en faisant en sorte que mes auditeurs s’évadent également.
*
Son nouvel album, le très beau Every dog has its day (Axis/Labels), vient juste de sortir.
{"type":"Banniere-Basse"}