C’est devenu une habitude. A l’automne prochain, le prix du tabac augmentera de 6% pour la troisième année consécutive, faisant passer tous les paquets de cigarettes au dessus de 6 €. Une nouvelle hausse visant à réduire la consommation mais qui, pourtant, irrite les associations anti-tabac. “Une augmentation de moins de 10% n’aura aucune incidence, […]
C’est devenu une habitude. A l’automne prochain, le prix du tabac augmentera de 6% pour la troisième année consécutive, faisant passer tous les paquets de cigarettes au dessus de 6 €. Une nouvelle hausse visant à réduire la consommation mais qui, pourtant, irrite les associations anti-tabac.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Une augmentation de moins de 10% n’aura aucune incidence, assure Joseph Osman, directeur général de l’Office français de prévention du tabagisme. Et pourtant, ça fait des années qu’on le dit ».
Selon le rapport sur l’épidémie mondiale de tabagisme 2011 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une forte augmentation des taxes sur la vente de tabac serait le meilleur moyen de réduire le tabagisme et d’encourager les fumeurs à arrêter. Chaque hausse de 10% réduirait, en France, la consommation de près de 4%.
On a donc voulu savoir pourquoi, alors que l’OMS a fait de la lutte contre le tabagisme une priorité pour la santé publique, l’Etat français se contentait une nouvelle fois d’une mesure a priori sans grands effets sur la baisse de la consommation.
Des ventes stables
Cette augmentation de 6%, le nouveau ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, l’explique par le succès de la dernière augmentation (+ 6% en octobre 2011) qui a entrainé une baisse des ventes de tabac. C’est vrai que les ventes de cigarettes ont chuté en octobre dernier, mais elles sont reparties à la hausse en mars 2012 et se situent aujourd’hui à un niveau plus élevé qu’il y a neuf mois, selon les données de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).
Sur le moyen terme, l’effet de ces petites hausses successives serait quasi nul. « Depuis le recul en 2003-2004 consécutif aux fortes hausses de prix, le niveau global des ventes est resté relativement stable » note l’OFDT dans un rapport datant de 2012. Pour Joseph Osman, de l’Office français de prévention du tabagisme, ce serait calculé : « Cela permettra à l’Etat de toucher un peu de taxes, tout en ne s’attirant pas les foudres des fumeurs et de l’industrie du tabac ».
En 2011, selon l’AFP, le tabac a rapporté 13,7 milliards d’euros à l’Etat sous forme de taxe et de TVA. L’augmentation des tarifs prévue à l’automne prochain devrait apporter 500 millions d’euros supplémentaires aux recettes de l’Etat, nous affirme-t-on du côté du cabinet du ministre délégué au Budget:
Le gouvernement Fillon avait planifié cette hausse avant la présidentielle. Vu les impasses budgétaires, nous n’allions pas nous priver de ces recettes. Nous avons fait le choix de la solution de la raison dans le contexte que nous connaissons.
Cette vision à court terme irrite les associations anti-tabac, qui souhaitent voir le nombre de fumeurs chuter de manière plus radicale. « Surtout que le tabac coûte excessivement cher à la collectivité », tempête Christian Ben Lakhdar, économiste des drogues et membre du Haut conseil de la santé publique.
47 milliards d’euros par an : c’est selon lui ce que couterait le tabac à la Sécurité sociale, soit un impôt indirect annuel pour chaque citoyen de 772 €. En plus d’une plus forte augmentation des prix, l’économiste plaide pour une prise en charge totale du sevrage tabagique, censé aider les fumeurs qui le désirent à délaisser définitivement la clope. « Ce n’est pas de l’argent public gaspillé puisque tout cela coûtera toujours moins cher que de soigner le cancer qu’ils développeront dans trente ans ».
Le risque de développer la contrebande
Christian Ben Lakhdar reconnaît toutefois qu’augmenter les prix, même légèrement, incite les non-fumeurs à rester non-fumeurs. Et qu’une hausse trop importante pourrait décupler la contrebande et les achats transfrontaliers, qui représentaient 20% des cigarettes fumées en France en 2010.
« Mais il faut que les hausses s’appliquent à tous les produits contenant du tabac », souligne Emmanuelle Béguinot, directrice du Comité national contre le tabagisme. Une allusion au tabac à rouler, sur lesquels les fumeurs de cigarettes semblent se rabattre, et auquel l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies consacrait un paragraphe dans son bilan de l’année 2011 :
Bien que son prix ait beaucoup plus augmenté que celui des cigarettes (+ 62 centimes d’euros contre + 33 centimes, sur le prix moyen de la marque la plus vendue), ce produit reste toujours meilleur marché, incitant une partie des fumeurs à reporter leur consommation sur cette catégorie de tabac.
Le ministre délégué au Budget n’a pour le moment pas précisé à quels produits cette hausse s’appliquera. Mais du côté de son cabinet, on se veut « raisonnable » : « La priorité est certes la santé des Français, mais aussi de financer les dépenses sociales ».
{"type":"Banniere-Basse"}