Comment s’aimer en 2015 ? A quoi ressemble la vie des couples ? A travers deux documentaires sur France 2, nourris par une cohorte de témoignages à vif, Thierry Demaizière et Alban Teurlai dessinent les profils multiples des amoureux d’aujourd’hui.
“En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie.” Depuis que Balzac a résumé, avec son génie de la formule ample et mystérieuse, l’enjeu de l’amour conjugal, les couples s’interrogent sur eux-mêmes.
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Comment articuler sa présence dans le contrat amoureux ? Comment préserver le désir de l’autre dans l’expérience de la durée ? Comment maintenir sa liberté dans le cadre d’une union dont la promesse tient à la sincérité de son engagement ? Comment entretenir les feux du désir en même temps qu’adoucir les épreuves de la vie par la protection de la personne qui partage tout avec vous, les plaisirs comme les souffrances ?…
Une barque qui coule
La série de deux documentaires réalisés par Thierry Demaizière et Alban Teurlai sur le couple, La Vie conjugale et L’Envie conjugale, explore des tas de questions dont personne n’a jamais esquissé de réponses absolues depuis que les individus ont inventé l’amour. Par-delà l’universelle condition ardue de cet amour conjugal, l’intérêt de ces deux films est de réactualiser un vieux questionnement.
Car l’amour en 2015 n’est évidemment pas tout à fait le même que celui qui dominait trente ans plus tôt : pourquoi l’amour, symptôme social autant qu’horizon intemporel, ne changerait pas quand la société elle-même se transforme ? Ce décalage en termes d’aspirations entre des jeunes de 20 ans et leurs aînés s’illustre dans le film à travers un dialogue entre une étudiante désenchantée par la réalité dévastée des amours de ses propres parents et l’écrivain Pascal Bruckner qui tente de saisir les blocages actuels.
“Le couple est une barque qui coule sous le poids des attentes”, confie-t-il à son interlocutrice sceptique. Plutôt que de tout attendre de lui et de le figer dans d’absurdes espérances extatiques, certains des couples ici interrogés inventent, chacun différemment, des manières de s’y épanouir pleinement. En toute liberté, en toute autonomie, aussi. Bruckner défend même le modèle écorné du vieux couple, rappelant ce mot de l’écrivain Milan Kundera qui parlait, à propos des amants toujours fidèles, de leur “compassion éblouie”.
Une multitude de manières d’aimer
Certes, à écouter d’autres couples, notamment ceux du premier film, éblouissant dans son art de dessiner une multitude de manières d’aimer et de se décourager, cette compassion éblouie se perd souvent dans une lassitude agacée. Demaizière et Teurlai saisissent parfaitement les nœuds de tension dont les couples s’accommodent avec plus ou moins de facilité. Par ses questions précises et empathiques, Thierry Demaizière réactive le geste d’un ancien documentariste phare de la télé française des années 80-90 Daniel Karlin qui avait lui-même réalisé une série remarquée L’Amour en France.
Mais, au-delà de sa capacité à faire habilement parler ses interlocuteurs, oubliant l’impudeur de leurs sentiments pour révéler leurs affres à ciel ouvert, ce qui se joue de plus subtil encore tient dans le film, surtout le premier, à l’énergie des discussions enlevées que partagent entre eux les membres de couples amers et usés par tant de luttes et d’incompréhension mutuelle. A travers cette mosaïque de sentiments, de ressentiments, de désirs enfouis, de joies persistantes, quelque chose de l’amour contemporain s’esquisse. Sans que rien ne rassure sur ses lois et ses hasards, sans que rien ne le protège des tristes aigreurs.
La Vie conjugale (sur Pluzz.fr) et L’Envie conjugale, mardi 17 mars sur France 2 à 22h45
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