Le regretté John Fahey, disparu l’an dernier, était l’une des figures attachantes de la musique américaine des quarante dernières années. Guitariste légendaire mais longtemps oublié, Fahey est ressorti de l’ombre au milieu des années 90, grâce à quelques inconditionnels de ses disques de guitare solo, dont Jim O Rourke et Tortoise. Guitariste virtuose mais jamais […]
Le regretté John Fahey, disparu l’an dernier, était l’une des figures attachantes de la musique américaine des quarante dernières années. Guitariste légendaire mais longtemps oublié, Fahey est ressorti de l’ombre au milieu des années 90, grâce à quelques inconditionnels de ses disques de guitare solo, dont Jim O Rourke et Tortoise.
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Guitariste virtuose mais jamais démonstratif, Fahey privilégie toujours la simplicité au geste lyrique ampoulé, n’hésitant pas à jouer contre des collages de musique concrète ou des boucles de bruit blanc. Avant de mourir, il avait enregistré Red Cross, sur lequel on retrouve des reprises de thèmes classiques (Summertime et Motherless Child), ainsi que des compositions originales. Malgré les quarante ans de distance avec ses premiers enregistrements, le son de Fahey demeure toujours aussi primitif, c’est-à-dire oscillant entre naïveté, innocence et une rugosité sauvage. Ses motifs de guitare sourdent comme dans une douleur d’enfantement et traînent dans leur sillage une mélancolie diaphane. Solitaire, Fahey joue telle une armée mexicaine : un peu débraillé, un peu fantomatique, toujours sur le point de flancher. De tout cela, il tire une puissance d’évocation subliminale, impressionniste et onirique.
Sur Red Cross, il atteint plusieurs fois des états d’apesanteur magiques : sur le morceau titre, où il rend hommage à Guitar Roberts (surnom éphémère d’un autre guitariste américain contemporain et méconnu, Loren Mazzacane Connors) et, surtout, sur Untitled W/Rain. Là, il joue contre le bruit de la pluie s’abattant autour de lui. Sa guitare se confond avec les bruits ambiants, elle s’étire sous les gouttes d’eau, elle surnage entre les flaques, tandis qu’un orgue lent et entêtant surgit doucement pour l’arrimer. Pendant que la pluie tombe et que Fahey égrène ses notes minutieuses, un brouillard se forme doucement. Le bruit de l’eau se distend, et l’on ne sait plus trop s’il s’agit de la pluie qui s’installe ou si c’est John Fahey qui verse ses dernières larmes dans le creux de sa guitare.
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