“Peaky Blinders” plonge dans les bas-fonds anglais du Birmingham des années 20, soutenue par une bande son pointue, de Nick Cave à PJ Harvey.
Ceux qui soupirent déjà devant l’idée de subir une énième série d’époque naphtalinée peuvent ranger les flingues. Peaky Blinders a beau déployer ses ailes en 1919, rien ou presque ne la rattache à la tradition des drames compassés dont la télé anglaise s’est faite une spécialité – et parfois, avouons-le, on l’a aimée pour ça. Voici l’histoire remuante d’un célèbre gang de la ville ouvrière de Birmingham, pourchassé par le pouvoir à une époque où Londres craignait l’insurrection sous toutes ses formes, y compris communiste. On y croise un héros stylé et méchant, Tommy Shelby (l’étrange et fascinant Cillian Murphy), dans une atmosphère de stupre et de drame profond qui rappelle par moment les éclats de folie de Deadwood et le sens du présent de The Knick, la série médicale planante de Steven Soderbergh diffusée l’année dernière.
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Birmingham, « l’épicentre d’une incroyable mythologie »
Sans atteindre ces deux modèles, mais avec une énergie qui lui est propre, Peaky Blinders détonne dans le paysage, peut-être parce qu’elle raconte une histoire personnelle. La mère de Steven Knight, le créateur de la série, avait flirté dans son enfance avec l’illégalité, employée par un bookmaker pour transporter l’argent de paris. Dans la famille, on racontait en boucle la légende des criminels locaux qui faisaient trembler le pouvoir depuis plusieurs décennies. “Birmingham n’a rien d’une ville glamour aux yeux des Anglais, raconte Steven Knight. Mais pour moi, c’était l’épicentre d’une incroyable mythologie. Enfant, on me racontait comment les membres du gang étaient bien habillés, à quel point les pubs dans lesquels ils se retrouvaient étaient immenses. Dans la série, il y a bien sûr un côté sombre, voire violent, mais je voulais garder des contours plus fantasmatiques…” Le résultat est tout sauf figé. Une approche que le créateur résume en une phrase : “Je ne voulais pas d’une série où les gens parlent avec un accent surjoué et s’habillent comme s’ils sortaient d’un magasin de farces et attrapes.”
Snoop Dogg en est fan
Un certain esprit rock règne dans Peaky Blinders, y compris concrètement, à travers ses choix musicaux. L’incroyable chanson de Nick Cave, Red Right Hand (issue de l’album Let Love in, sorti en 1994), a été choisie pour le générique, devenant immédiatement un signal de ralliement. Pour la deuxième saison, diffusée en Angleterre il y a quelques mois, PJ Harvey a frappé à la porte des producteurs de la série et proposé une reprise (géniale) du morceau de Nick Cave. En plus de ces deux figures de proue, tout Peaky Blinders est parsemée de morceaux des White Stripes, de Tom Waits, des Raconteurs, ou encore de Johnny Cash, des Kills, des Arctic Monkeys. “Nous nous inscrivons globalement dans une tradition rock et folk, en choisissant des chansons qui nous semblent intemporelles”, explique Steven Knight, qui a eu également la surprise de rencontrer un fan plutôt atypique, Snoop Dogg. ”Il avait posté une photo de lui en train de regarder la série sur Instagram et nous nous sommes rencontrés. Il m’a dit à quel point cette histoire lui rappelait sa propre vie et son rapport aux gangs quand il était jeune. Un mec charmant ».
Renouvelée pour une troisième saison par la BBC 2, Peaky Blinders pourrait durer “jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, en espaçant chaque saison de quelques années”, souhaite son créateur. Lequel pourra se consoler en cas de coup dur avec ses autres jobs. Scénariste de cinéma très coté (Dirty Pretty Things de Stephen Frears, Les Promesses de l’ombre de Cronenberg), Steven Knight est aussi le co-inventeur de… Qui veut gagner des millions ?. De Jean-Pierre Foucault à PJ Harvey, le chemin n’était finalement pas si improbable.
Le premier épisode
Le second épisode
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