Annonce choc dans le monde du jeu vidéo : Nintendo se lance dans le développement de titres pour smartphones et tablettes. A l’idée de voir Mario, Zelda ou Donkey Kong débarquer sur iPhone, les fans s’inquiètent. Mais ils pourraient bien avoir tort.
A l’échelle du jeu vidéo, c’est un tremblement de terre. Satoru Iwata, le président de Nintendo, n’a laissé à personne d’autre le soin d’annoncer la grande nouvelle : amorçant un virage à 180 degrés, l’éditeur de Mario se lance dans le développement de jeux qui ne sortiront pas sur ses consoles à lui, la 3DS et la Wii U, mais sur smartphones et tablettes.
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Une décision attendue… Et redoutée
Fruits d’une alliance avec la société nippone DeNA, spécialisée dans le jeu mobile – mais dont les productions n’ont jamais ébloui grand-monde –, les premiers titres devraient sortir dès cette année, et aucun des univers et personnages emblématiques de Nintendo (Mario, Zelda, Kirby, Donkey Kong, Metroid…) n’est exclu a priori du voyage vers le monde merveilleux des téléphones intelligents. Dès la révélation de ce virage stratégique à 180 degrés, la bourse de Tokyo s’emballait : cela faisait des mois (pour ne pas dire des années) que les analystes conseillaient au géant du jeu vidéo nippon de se convertir au mobile. Et aussi que, chez les plus traditionalistes des nintendophiles, on redoutait la même chose.
Des faibles ventes de consoles
Sur le plan financier, la décision paraît logique. En janvier, la société japonaise annonçait qu’elle n’atteindrait pas son objectif de bénéfice d’exploitation en raison notamment de la baisse des ventes de sa portable 3DS qui, malgré 50 millions exemplaires écoulés à travers le monde, subit de plein fouet la concurrence des mobiles. Quant à sa console de salon Wii U (9 millions de machines vendues), elle reste très loin des résultats de sa devancière, la Wii tout court. Et les études sont formelles : l’irrésistible ascension du jeu mobile ne fait que commencer. A l’horizon 2017, il devrait même représenter plus du tiers du marché mondial du jeu vidéo. Une bonne raison, donc, de ne pas le négliger, quitte à rompre avec les habitudes de trois bonnes décennies.
La fin d’une synergie entre matériel et logiciel
Jusqu’ici, à de rares exceptions près – The Pokémon Company, dont Nintendo détient un tiers des parts, est présente sur PC, Mac et iOS –, les choses étaient claires : un jeu Nintendo, ça se pratiquait sur une console Nintendo. Mieux : les auteurs des jeux étaient (et sont toujours, en particulier la légende vivante Shigeru Miyamoto) étroitement associés au design des machines et cette proximité n’est pas pour rien dans le sentiment de plénitude si particulier que suscitent les meilleurs jeux Nintendo. La manette de la Nintendo 64, équipée d’un stick analogique, semble ainsi avoir été spécialement créée pour Super Mario 64 (à moins que ce ne soit l’inverse). Même chose pour l’écran tactile de la DS avec Nintendogs ou pour la télécommande de la Wii et l’épreuve de tennis de Wii Sports. En développant ses jeux pour des smartphones et tablettes dont la conception lui échappe, Nintendo perdra cette synergie entre le matériel et le logiciel. Au risque de se banaliser, de n’être plus qu’un producteur de jeux parmi d’autres ?
Pas forcément. La première bonne nouvelle est que Nintendo ne se contentera pas de céder ses licences à DeNA mais se chargera de l’essentiel du développement en misant sur les compétences en matière de « services » de son nouveau partenaire selon les déclarations de Satoru Iwata au magazine Time. Evacuée, donc, l’angoisse de dérapages esthétiques comme au temps lointain du CD-i qui avait vu Nintendo prêter Mario et Zelda à Philips pour un résultat, disons, dépaysant. Dans la même interview, Iwata promet aussi de ne pas céder aveuglément aux sirènes du « free-to-play » (auquel Nintendo s’essaie déjà sur 3DS) qu’il rebaptise fort justement « free-to-start » – car il n’y a rien de moins gratuit que le « free-to-play ».
Une expérience solide des jeux sur appareil portable
Mais le plus important est ailleurs : en matière de jeu sur appareils portables, nul n’a plus d’expérience et de savoir-faire que le fabricant de la Game Boy (et même, avant cela, des Game & Watch). Nintendo a par ailleurs été, avec la DS, un grand artisan de l’essor du jeu tactile – et un modèle pour bien des développeurs iOS. Autant dire que ses game designers ne partent pas de zéro. Sans parler du fait qu’avec des « simulations de vie » comme Animal Crossing ou Tomodachi Life, ils ont montré que le principe des parties courtes mais fréquentes, idéal sur smartphone, ne leur était pas étranger.
Et Nintendo ne mise pas tout sur le mobile : la 3DS et la Wii U continueront d’exister et une mystérieuse machine au nom de code « NX » a d’ores et déjà été annoncée. La dernière bonne nouvelle est que les jeux mobiles Nintendo ne seront pas des adaptations de titres existants – par exemple un Super Mario Galaxy tactile injouable – mais de nouveaux titres, de nouveaux concepts. Il ne reste plus qu’à inventer et, à ce petit jeu, rares sont ceux qui égalent Nintendo. On a hâte de voir ça.
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