A l’occasion du documentaire sur Arte le 25 mars consacré au groupe ZERO, retour sur l’un des mouvements d’avant-garde les plus importants de la deuxième moitié du XXème siècle, encore largement inconnu. Libertaire, utopique et iconoclaste.
Un certain manque d’utopie, de lumière, de mouvement et de dynamisme. Peut-être est-ce là ce que révèle le récent retour en grâce du groupe ZERO, l’un des plus importants mouvements artistiques d’avant-garde à émerger dans la seconde moitié du XXe siècle, mais qui reste pourtant méconnu. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ce mouvement d’ampleur planétaire se proposait précisément d’apporter tout cela : de l’utopie, de la lumière, du mouvement, du dynamisme.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
On connaît la fameuse phrase du philosophe Theodor Adorno pour qui, au sortir d’Auschwitz, il n’est plus possible d’écrire de la poésie. Outre-Rhin, la génération d’artistes de l’après-guerre est dominée par un sentiment de culpabilité écrasant. Mais ils sont un certain nombre à considérer au contraire que la création doit entreprendre l’exorcisme de la mauvaise conscience de l’Europe. Pour entrevoir une ère nouvelle, il faut d’abord renouveler les formes d’expression artistique. Cet état d’esprit est celui que partagent les artistes qui donneront naissance au groupe ZERO.
En 1957, à Düsseldorf, deux artistes décident d’ouvrir leurs ateliers au public lors de manifestations nocturnes qu’ils nomment « expositions d’un soir ». Otto Piene (disparu en juillet dernier) et Heinz Mack sont amis, leurs ateliers sont voisins, et ils partagent une même attitude artistique : ils veulent rompre avec la génération précédente, sa mauvaise conscience et ses formes artistiques usées, et repartir à zéro. Peu à peu, leur quête de renouveau artistique et social attire d’autres artistes et familles d’artistes du monde entier. Les Nouveau Réalistes français, le Gruppo Nucleare de Milan, le Groupe de Recherche d’Art Visuel ou le groupe NUL d’Amsterdam les rejoignent. Au total, on considère aujourd’hui que plus d’une centaine d’artistes, et non des moindres – Yves Klein, Jean Tinguely ou encore Piero Manzoni – ont participé à l’aventure dans le cadre d’expos communes, jusqu’à ce que le groupe se dissolve en 1967.
Pendant cette dizaine d’années, le groupe emploie toute son énergie à rejeter les héritages en tous genres. Au geste artistique individuel, ils préfèrent le travail collectif. Leur ambition ? L’universel, celui de l’expérience perceptive et sensorielle. Leurs matériaux source ? La lumière et le mouvement, ces immatériaux par excellence. L’aventure du groupe ZERO témoigne d’un moment d’effervescence débridée dans un contexte morose, dont l’esprit a survécu au delà de l’activité au sens strict du groupe. Notamment avec le « sky art » psyché d’Otto Piene, lequel a continué jusqu’à sa mort l’an passé à réaliser des œuvres volantes géantes gonflées à l’hélium. Un esprit d’utopie sociale et de communion spirituelle avec la nature qui en rappelle un autre, celui des rave parties dans l’Allemagne post Mur de Berlin. Où les œuvres scintillantes, épileptiques et iconoclastes de certains des membres du groupe ZERO n’auraient d’ailleurs pas déparé.
Après les rétrospectives à Paris au Passage de Retz en 2013 (Zero, Paris-Düsseldorf), à New York au Guggenheim en 2014 (ZERO: Countdown to Tomorrow, 1950s–60s), une nouvelle expo ouvre ce printemps à Berlin au Martin Gropius Bau (ZERO). A cette occasion, Arte programme un documentaire consacré au groupe ZERO, Quand l’art repart de zéro (2014), d’Anna Pflüger et Marcel Kolvenbach.
{"type":"Banniere-Basse"}