La nouvelle saison de la série de AMC, qui a battu tous les records d’audience, revisite le mythe de Pandore et met, pour la première fois, ses personnages face à leurs contradictions.
[Cet article contient des spoilers sur toute la saison 5 de The Walking Dead]
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« Nous sommes ceux qui vivent! » Cette phrase, hurlée à pleins poumons par Rick Grimes à la fin de la saison 5, résume le changement opéré par The Walking Dead au fil de ce dernier volet. A force de voir le shérif affublé d’une immense barbe, les vêtements en lambeaux et le visage jonché d’éraflures, on en avait presque oublié que le Rick des débuts avait tout du boy-scout propre sur lui, rongé de culpabilité à l’idée d’achever un zombie.
La transformation du leader du groupe des survivants est sans conteste l’épicentre de cette saison. Révolue, l’époque où les protagonistes se montraient prévenants, avenants voire généreux envers ceux qui croisaient leur route. La saison 5 des Walking Dead marque l’abandon définitif des derniers bons sentiments qui avaient réussi à subsister, malgré la fatigue, la faim, la solitude, le danger de mort permanent.
Les espoirs de sédentarisation brisés
Marche ou crève. La devise n’a rien d’hyperbolique. Pendant quatre saisons, le groupe emmené par Rick n’a eu de cesse de chercher à se poser, installer un camp durable pour pouvoir recommencer une vie « normale ». Malgré leurs efforts, ces tentatives de sédentarisation se sont toutes soldées par des échecs ; de la prison détruite par le Gouverneur à la banlieue de Woodbury prise d’assaut par des morts-vivants en passant par « Terminus », une quasi-secte qui promeut le cannibalisme comme seul moyen efficace de survie à long terme.
La saison 5 s’ouvre sur cette dernière déconvenue, alors que Rick, Glenn, Maggie et les autres s’échappent de Terminus en brûlant tout ce qu’il restait de ces pragmatiques cannibales. Pour la première fois depuis longtemps, les survivants sont forcés de se séparer et se retrouvent par duos (parfois trios), offrant la possibilité aux scénaristes de s’attarder plus sur le fond que sur la forme.
Bien sûr, on ne peut échapper aux traditionnelles attaques de zombies hebdomadaire (une par épisode minimum, impossible de déroger à la règle), mais l’introspection des survivants — qui ont de plus en plus de mal à comprendre pourquoi ils cherchent à survivre — prend une place bien plus importante qu’auparavant. Comme une gigantesque reconstitution du mythe de Pandore, chacun voit ses derniers espoirs s’écrouler, mais continue à avancer vers un infini qui ne le satisfera probablement jamais. L’espace de quelques épisodes, le groupe suit par exemple Eugene, un scientifique empoté qui les persuade que s’ils l’aident à rejoindre Washington, il pourra tous les sauver et trouver un vaccin contre le virus qui a décimé la planète. Même après que ce dernier a avoué avoir tout inventé, simplement pour bénéficier de la protection des plus forts que lui, les survivants continuent d’avancer vers la capitale, convaincus que même s’il n’y a pas de remède, c’est là où se trouvent leurs « meilleures chances de survies. »
Comment reprendre une vie « normale » ?
Il faudra que la bande tombe sur une nouvelle communauté, bien installée, pour qu’explose enfin la vérité au grand jour : ces personnages ne savent plus vivre. Enfin, un groupe civilisé les accueille en son sein, dans un village totalement barricadé, hors de portée des morts-vivants. Enfin, Michonne, Carole et leurs compagnons retrouvent la joie de prendre une douche, le délice des plats cuisinés au four, l’indolence des ballades au soleil sans avoir à se méfier de son ombre.
Pourtant, aucun n’y parvient réellement. Rick, en particulier, perd complètement pied en découvrant cette société qui s’est coupée du monde depuis les débuts de l’épidémie qui a ravagé le « monde extérieur ». Incapable de supporter ce degré d’insouciance, il finit par exploser de rage dans un avant-dernier épisode réjouissant de fatalisme, coupé en pleine tirade par un coup de poing de Michonne qui préfère l’assommer « pour son bien« .
Le dilemme est cyniquement posé: en quatre saisons, les personnages ont changé. Ils ont dû tuer avant d’être tués, vivre chaque jour comme si c’était le dernier. Lorsque se présente à eux l’opportunité, tant rêvée, de troquer la vie de nomade contre la sédentarisation, ils n’en sont en fait plus capables. Reste alors le choix de repartir, vivre dans la crainte, retrouver le froid et la faim, ou se réadapter à la vie qu’ils se sont forcés à oublier pour survivre. On aurait d’ailleurs souhaité que la saison s’arrête au quinzième épisode, alors que la décision n’était pas encore été prise, et soulevait plus d’enjeux. Le seizième – et dernier – épisode est en cela assez décevant.
https://www.youtube.com/watch?v=z6Ge6Op2mAk
Des records d’audience
Il en faudra toutefois plus pour faire oublier une saison accrocheuse et bien ficelée, qui a continué de miser sur des séquences plus lentes, à la limite du contemplatif, malgré les critiques de certains téléspectateurs en mal d’action. Et pourquoi changerait-elle ? La série continue d’exploser les records d’audience, comme ce premier épisode visionné par 17 millions de personnes.
On notera néanmoins que les Walking Dead restent fidèles à leur (triste) réputation de série tueuse de seconds rôles, particulièrement les hommes noirs… La pratique, vivement critiquée depuis les débuts du programme, a pourtant de beaux jours devant elle ; aux défunts T-Dog, Oscar et Andrew s’ajoutent, rien que cette saison, Bob, Tyreese et Noah. R.I.P.
The Walking Dead, en H+24 sur OCS
{"type":"Banniere-Basse"}