Aujourd’hui, “Le Figaro Madame” a publié un article s’intitulant “Le stagiaire roi : ce monstre de la génération Y”. Permettez-nous d’être encore plus véhéments…
Aujourd’hui, Le Figaro Madame a eu le courage de dénoncer un des maux qui gangrènent notre société et font de notre pays un cauchemar, un mal rampant qui ne dit pas son nom mais qui opère aujourd’hui une emprise démoniaque sur le monde de l’entreprise : le stagiaire.
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L’arbre qui cache la forêt
L’article en question s’appuie sur des “centaines de témoignages de (sur)vie avec un stagiaire malotru”, et dessine le portrait d’un individu “insolent, méprisant, familier, insubordonné, blasé”. Permettez-nous d’être un peu plus véhéments. Le Figaro s’arrête à des considérations cosmétiques, telles que les retards ou ces stagiaires de l’extrême qui osent “donner leur avis”, mais le problème est ailleurs :
“Jaloux du fait qu’un jour pas si lointain, s’il n’est pas en prison, il sera peut-être à votre place, avec une chemise hawaïenne, un smoothie au chou kale et une équipe qui fera de lui un gourou.”
Il faut le dire, le stagiaire n’a pas seulement pour but de percevoir un véritable salaire, ni même d’atteindre une certaine sécurité de l’emploi (ces aspirations de petits bourgeois), mais bien de piquer la place de ses supérieurs, les toisant du haut de sa “chemise hawaïenne”. Conscient du fait que l’ascenseur social est pour lui voué à le propulser vers des hauteurs stratosphériques, il profite de son stage-tremplin afin de s’envoler vers les étoiles. D’ailleurs, il ne reste pas longtemps dans l’entreprise (pas plus de 6 mois) : les avantages comme le 13e ou 14e mois de ses collègues de travail, les primes diverses, ne sont pas pour lui un mirage, mais des futilités qu’il balaie nonchalamment de sa main dédaigneuse, préférant l’aventure et le mode de vie rock’n’roll des rendez-vous pris chez Pôle Emploi. Quelle suffisance…
Aujourd’hui, le statut de ces stagiaires-assistés-suceurs-de-sang, ces vermines parasitaires qui ont l’outrecuidance d’être grassement payées 500 euros (quand ils sont payés – certains vont même jusqu’à travailler moins de 2 mois, pour le plaisir de bosser à l’œil !) est comparable à celui du roi Salomon. Membres de la caste de nantis dites des “jeunes” ces cloportes devraient en fait s’estimer parfaitement heureux d’avoir enfin pénétré le monde merveilleux des cafés instantanés qui provoquent des mouvements incongrus de la paroi intestinale. Au lieu de ça, ils passent leur temps les doigts de pied en éventail, à “souffler devant toute obligation fastidieuse” et à se “précipiter au bureau des RH quand on leur demande de faire des photocopies”.
L’exemple du stagiaire i-Télé
Prenons l’exemple du fameux stagiaire i-Télé, que d’aucuns – des esprits malveillants – appellent “bouc émissaire” mais qui est avant tout le symbole de la fainéantise et de l’indigence. Si cet incapable en vient à commettre des fautes à répétition et à devenir la risée de la France (oui, de la France !), ce n’est pas parce qu’il travaille 8 heures d’affilée, qu’il n’a pas le temps de prendre de pause-déjeuners ou qu’il est globalement surexploité.
Non, si le stagiaire fait aussi mal son boulot, c’est parce qu’il arrive tous les matins avec trois heures de retard, la gueule enfarinée, qu’il tape des traces de coke à même la console devant tout le monde et qu’il terrorise sa hiérarchie en brandissant le code du travail à chaque fois qu’un de ses supérieurs ose froncer un sourcil face à un tel déversement de folie incontrôlable. Car oui, il faut aussi le signaler, le stagiaire possède aujourd’hui une autorité suprême : comme Roselyne Bachelot le dit si bien, il représente cette nouvelle génération de “caïds immatures qui font face à des gamins apeurés” – c’est aussi un tabou qu’il faut briser : aujourd’hui, les rôles se sont inversés et l’autorité s’est perdue à jamais.
Un système archaïque
“Il est loin le temps où Hugo faisait le tri dans votre courrier avant de sucrer précautionneusement votre café noisette.” Effectivement, qu’il est loin, ce temps-là ! Qu’il est loin le temps où le stage était un passage éphémère et ne représentait qu’une étape menant directement à l’embauche, ou que la paie du stagiaire s’accordait au travail effectué. Avant, le stagiaire devait effectivement “sucrer les cafés” ou “faire des photocopies”. Aujourd’hui, il a l’effronterie de faire des journées dépassant largement son temps de travail, d’effectuer les mêmes tâches que ceux employés en CDI, mais aussi de servir de rustine et d’être corvéable à merci. Il ne manquerait plus qu’on le considère comme un employé à part entière…
Le stagiaire fait aujourd’hui partie d’un système archaïque qui permet d’employer à moindre coût de la main d’œuvre appelée à effectuer la même masse de travail (voire parfois plus) qu’un salarié payé le triple, voire le quadruple, et ce pleurnichard complet ne se rend même pas compte de la chance qu’il possède ! Pourtant, le 26 juin de l’année dernière, l’Assemblée nationale adoptait un projet de loi complaisant et laxiste qui lui promettait monts et merveilles : une gratification qui atteint désormais des sommes astronomiques (passant de 436,05 à 523,26 euros, tout de même), un temps de travail qui ne peut excéder celui des employés, plus de contrôle dans l’inspection du travail… des mesures de gauchistes qui encouragent désormais ce paresseux à s’ébrouer dans son oisiveté. De quoi se plaint-il, alors ?
“Insolent, insubordonné et jalousé”. C’est vrai, qui n’a pas envie d’avoir pour seul horizon des portes qui se ferment, un refus quasi-systématique d’embauches après s’être fait copieusement exploiter ? Le rêve, à portée de main, que notre génération refuse pourtant obstinément de saisir…
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