Après des mois de polémique, “Rolling Stone” a retiré son article racontant le témoignage d’une victime présumée de viol en réunion à l’université de Virginie. Un « fiasco journalistique » qui ne doit pas faire oublier que les agressions sexuelles demeurent un fléau sur les campus américains…
Rolling Stone a fini par s’excuser. Après une intense controverse médiatique qui a duré plusieurs mois, le prestigieux magazine américain réputé pour ses enquêtes irréprochables, a retiré ce dimanche 5 avril 2015, le récit d’une victime présumée de viol en réunion à l’université de Virginie.
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“Rolling Stone” n’avait pas donné la parole aux agresseurs de la victime présumée
L’histoire remonte au 19 novembre dernier. Rolling Stone publie un article intitulé « Un viol sur le campus ». Il s’agit du témoignage de “Jackie”, une étudiante de l’université de Virginie affirmant avoir été violée par sept étudiants lors d’une fête en 2012. Quelques semaines plus tard, le Washington Post publiait une contre-enquête mettant en doute les dires de Jackie, et reprochant à Rolling Stone de ne pas avoir donné la parole à ses agresseurs présumés. Dans le même temps, la fraternité à laquelle appartiennent ces étudiants publiait un communiqué démontant certains éléments du récit de la victime.
La mise à jour de l’article avait déclenché une seconde polémique
Acculé, Rolling Stone avait publié dans un premier temps une note au lecteur au début de son article qui a, à son tour, déclenché une polémique. Le magazine se voyant accusé d’avoir rejeté la faute sur Jackie sans remettre en cause son propre manque de rigueur journalistique. Un passage de la note avait donc été modifié, passant de “Au regard de nouvelles informations, il semble désormais qu’il y ait quelques contradictions dans le témoignage de Jackie, et nous en sommes venus à la conclusion que notre confiance à son égard était une erreur” à “Ces erreurs incombent à Rolling Stone et non à Jackie.”
Rolling Stone commande une contre-enquête
Rolling Stone avait alors commandé un rapport à la célèbre école de journalisme de l’université Columbia, afin de mieux cerner les failles de leur processus éditorial. Ce sont les conclusions de ce rapport universitaire qui ont incité le magazine américain a retirer son article.
Désormais le lien de l’article renvoie au rapport de Columbia. Le texte est précédé d’une notule explicative de Will Dana, rédacteur en chef de Rolling Stone.
“Nous nous sommes demandés comment nous avions pu nous tromper dans cette histoire et nous avons décidé que l’attitude responsable et crédible à avoir était de demander à une personne extérieure à notre magazine afin d’enquêter sur les défaillances que nous avions pu commettre. Nous avons donc demandé à Steve Coll, doyen de l’école de journalisme de Columbia, et un journaliste lauréat du prix Pulitzer, qui a accepté notre offre. Nous avons coopéré pleinement avec lui et son équipe. Ils n’ont reçu aucun paiement, et nous avons promis de publier leur rapport en intégralité (…) Ce rapport était une lecture pénible, pour moi personnellement et pour nous tous à Rolling Stone. (…) C’est un fascinant document sur ce que peut être un fiasco journalistique (…) Nous tenons à présenter des excuses à nos lecteurs.”
Cette erreur ne doit pas faire oublier le fléau des agressions sexuelles sur les campus
Dans son texte, Will Dana rappelle que “les agressions sexuelles sur les campus universitaires sont un grave problème et qu’il est important que les victimes de viol continuent à se sentir à l’aise pour les dénoncer. Cela nous attriste de penser que leur volonté de le faire puisse être atténuée par nos erreurs”.
Il est vrai que cette affaire déborde largement le cadre du manquement journalistique et pourrait bien porter ombrage aux victimes de viol. Confondre les erreurs commises par Rolling Stone avec celles de Jackie dans la narration de son récit reviendrait à oublier que les victimes ont – comme l’a très justement rappelé Lena Dunham – souvent du mal à mettre des mots sur le viol qu’elles ont subi.
L’erreur ultime serait donc d’en conclure que la parole des victimes d’agression sexuelle n’est pas fiable, que la plupart d’entre elles mentent. C’est l’idée qui semble émerger d’un article de Bloomberg dénonçant la charge médiatique contre la culture du viol (écrit bien entendu entre guillemets): “Pour beaucoup de gens, pas seulement des conservateurs, la sensibilité des médias à la ‘culture du viol’ semble les conduire à rabaisser leurs critères et à nuire à la réputation de certaines personnes.“.
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