La traduction hongroise du roman d’anticipation de Michel Houellebecq “Soumission” représente la Joconde dissimulée sous une burqa. Une iconographie qui n’est pas sans rappeler celle des extrêmes droites populistes.
A la sobriété de la jaquette choisie pour Soumission par les éditions Flammarion en France, les éditions hongroises Magvetö ont préféré le choc. Le roman d’anticipation de Michel Houellebecq, qui sort ce mois-ci en Hongrie, se voit affublé d’une couverture racoleuse représentant la Joconde en burqa. Pour ajouter à l’imaginaire d’un islam radical et conquérant, le titre de l’ouvrage, Behódolás, apparaît en vert, la couleur de l’islam.
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Le simple contenu de Soumission avait suffit à susciter une polémique en France lors de sa parution en début d’année : Michel Houellebecq y imagine la France en 2022 à la suite d’une élection présidentielle amenant un musulman modéré à la tête de l’Etat. Ce scénario avait alimenté le fantasme d’une victoire de l’islam politique en France, très présent à l’extrême droite.
Une stratégie marketing du choc
En faisant ce choix de couverture, les éditions Magvetö optent donc pour une stratégie du choc, qui satisfera sans doute les adhérents à la thèse de « l’islamisation de l’Europe », « Eurabia », dans le lexique nationaliste. Dans un pays – la Hongrie – où le parti d’extrême droite Jobbik a remporté 20,5 % des voix aux dernières législatives, nul doute que cette iconographie aura un écho important.
Cette couverture correspond d’ailleurs à l’imagerie politique de certains groupes d’extrême droite en Europe. Interrogé par Les Inrocks, le professeur d’arts appliqués Zvonimir Novak, auteur de Tricolores – Une histoire visuelle de la droite et de l’extrême droite (éd. L’Echappée, 2011), confirme : “Cette couverture a un lien évident avec l’iconographie des droites populistes. C’est un grand classique en France d’affubler Marianne d’une burqa. En faisant cela, ils visent un type de public très islamophobe” C’est cependant la première fois que la Joconde, sanctuarisée au Louvre, se retrouve voilée.
Une iconographie commune aux extrêmes droites en Europe
L’hebdomadaire Valeurs actuelles s’est fait le spécialiste de la reprise de cette iconographie choc. En octobre 2013 et en janvier 2015 ses unes représentaient le buste de Marianne sous une burqa d’une part, et une femme voilée avec une burqa tricolore. Cette dernière couverture faisait d’ailleurs référence au livre de Houellebecq, récupéré comme si sa fiction confirmait les prédictions sur « l’islamisation ».
Minarets en forme de missiles, burqa, ou encore croissant de lune transformé en objet tranchant sont des symboles très présents dans la propagande du « contre-djihad ». L’Union du centre (UDC), mouvement d’extrême droite suisse, s’est illustré en la matière avec une affiche contre les minarets en 2010, reprise par le Front national de la jeunesse peu de temps après lors d’une campagne « contre l’islamisme ». En s’emparant du symbole de La Joconde, les éditions Magvetö font à la fois preuve d’originalité, et d’une stratégie marketing dangereusement nationaliste.
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